bre des pairs.
Horace semblait pret a grandir comme un geant dans un conte fantastique.
Je le regardai, et remarquai que, malgre sa barbe precoce, la rondeur
des contours de son visage accusait encore l'adolescence. Son
enthousiasme d'ambition rendait le contraste encore plus sensible.--Quel
age avez-vous donc? lui demandai-je.
--Devinez! me dit-il avec un sourire.
--Au premier abord on vous donnerait vingt-cinq ans, lui repondis-je.
Mais vous n'en avez peut-etre pas vingt.
--Effectivement, je ne les ai pas encore. Et que voulez-vous conclure?
--Que votre volonte n'est agee que de deux ou trois ans, et que par
consequent elle est bien jeune et bien fragile encore.
--Vous vous trompez, s'ecria Horace. Ma volonte est nee avec moi, elle a
le meme age que moi.
--Cela est vrai dans le sens d'aptitude et d'inneite; mais enfin je
presume que cette volonte ne s'est pas encore exercee beaucoup dans la
carriere politique! Il ne peut pas y avoir longtemps que vous songez
serieusement a etre depute; car il n'y a pas longtemps que vous savez ce
que c'est qu'un depute?
--Soyez certain que je l'ai su d'aussi bonne heure qu'il est possible a
un enfant. A peine comprenais-je le sens des mots, qu'il y avait dans
celui-la pour moi quelque chose de magique. Il y a la une destinee,
voyez-vous; la mienne est d'etre un homme parlementaire. Oui, oui, je
parlerai et je ferai parler de moi!
--Soit! lui repondis-je, vous avez l'instrument: c'est un don de Dieu.
Apprenez maintenant la theorie.
--Qu'entendez-vous par la? le droit, la chicane?
--Oh! si ce n'etait que cela! Je veux dire: Apprenez la science de
l'humanite, l'histoire, la politique, les religions diverses; et puis,
jugez, combinez, formez-vous une certitude...
--Vous voulez dire des _idees?_ reprit-il avec ce sourire et ce regard
qui imposaient par leur conviction triomphante; j'en ai deja, des idees,
et si vous voulez que je vous le dise, je crois que je n'en aurai jamais
de meilleures; car nos idees viennent de nos sentiments, et tous mes
sentiments, a moi, sont grands! Oui, Monsieur, le ciel m'a fait grand et
bon. J'ignore quelles epreuves il me reserve; mais, je le dis avec un
orgueil qui ne pourrait faire rire que des sots, je me sens genereux,
je me sens fort, je me sens magnanime; mon ame fremit et mon sang
bouillonne a l'idee d'une injustice. Les grandes choses m'enivrent
jusqu'au delire. Je n'en tire et n'en peux tirer aucune vanite, ce
me semble; mais
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