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bombe en plastron qu'il ne le faisait pour ses autres jeunes clients.
Horace eut ete parfaitement ridicule sur le boulevard de Gand; mais au
jardin du Luxembourg et au parterre de l'Odeon, il etait le mieux mis,
le plus degage, le plus serre des cotes, le plus etoffe des flancs, le
plus _voyant_, comme on dit en style de journal des modes. Il avait le
chapeau sur l'oreille, ni trop ni trop peu, et sa canne n'etait ni
trop grosse ni trop legere. Ses habits n'avaient pas ce moelleux de la
maniere anglaise qui caracterise les vrais elegants; en revanche,
ses mouvements avaient tant de souplesse, et il portait ses _revers_
inflexibles avec tant d'aisance et de grace naturelle, que du fond de
leurs carrosses ou du haut de leurs avant-scenes, les dames du noble
faubourg, voire les jeunes, avaient pour lui un regard en passant.
Horace savait qu'il etait beau, et il le faisait sentir continuellement,
quoiqu'il eut l'esprit de ne jamais parler de sa figure. Mais il etait
toujours occupe de celle des autres. Il en remarquait minutieusement
et rapidement toutes les defectuosites, toutes les particularites
desagreables; et naturellement il vous amenait, par ses observations
railleuses, a comparer interieurement sa personne a celle de ses
victimes. Il etait mordant sur ce sujet-la; et comme il avait un nez
admirablement dessine et des yeux magnifiques, il etait sans pitie pour
les nez mal faits et pour les yeux vulgaires. Il avait pour les bossus
une compassion douloureuse, et chaque fois qu'il m'en faisait remarquer
un, j'avais la naivete de regarder en anatomiste sa charpente dorsale,
dont les vertebres fremissaient d'un secret plaisir, quoique le visage
n'exprimat qu'un sourire d'indifference pour cet avantage frivole d'une
belle conformation. Si quelqu'un s'endormait dans une attitude genee ou
disgracieuse, Horace etait toujours le premier a en rire. Cela me forca
de remarquer, lorsqu'il habita ma chambre, ou que je le surpris dans la
sienne, qu'il s'endormait toujours avec un bras plie sous la nuque
ou rejete sur la tete comme les statues antiques; et ce fut cette
observation, en apparence puerile, qui me conduisit a comprendre cette
affectation naturelle, c'est-a-dire innee, dont j'ai parle plus haut.
Meme en dormant, meme seul et sans miroir, Horace s'arrangeait pour
dormir noblement. Un de nos camarades pretendait mechamment qu'il posait
devant les mouches.
Que l'on me pardonne ces details. Je crois qu'ils etaient nec
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