encombrees, et par consequent tous les etats, comme
vous dites, tres-precaires. De grandes connaissances et une grande
capacite ne sont pas des garanties certaines d'avenir; enfin je ne vois
pas en quoi la medecine vous offrirait plus de chances que les arts. Le
meilleur parti a prendre c'est celui que nos aptitudes nous indiquent;
et puisque vous avez, assure-t-on, les plus remarquables dispositions
pour la peinture, je ne comprends pas que vous en soyez deja degoute.
--Degoute, moi! oh! non, repliqua le Masaccio; je ne suis degoute de
rien du tout, et si l'on pouvait gagner sa vie a faire de la peinture,
j'aimerais mieux cela que toute autre chose; mais il parait que c'est si
long, si long! Mon patron dit qu'il faudra dessiner le modele pendant
deux ans au moins avant de manier le pinceau. Et puis, avant d'exposer,
il parait qu'il faut encore travailler la peinture au moins deux ou
trois ans. Et quand on a expose, si on n'est pas refuse, on n'est
souvent pas plus avance qu'auparavant. J'etais ce matin au Musee, je
croyais que tout le monde allait s'arreter devant le tableau de mon
patron; car enfin c'est un maitre, et un fameux, celui-la! Eh bien! la
moitie des gens qui passaient ne levaient seulement pas la tete, et ils
allaient tous regarder un monsieur qui s'etait fait peindre en habit
d'artilleur et qui avait des bras de bois et une figure de carton. Passe
pour ceux-la: c'etaient de pauvres ignorants; mais voila qu'il est venu
des jeunes gens, eleves en peinture de differents ateliers, et que
chacun disait son mot: ceux-ci blamaient, ceux-la admiraient; mais pas
un n'a parle comme j'aurais voulu. Pas un ne comprenait. Je me suis dit
alors: A quoi bon faire de l'art pour un public qui n'y voit et qui n'y
entend goutte. C'etait bon _dans les temps!_ Moi je vais prendre un
autre metier pourvu que ca me rapporte de L'argent.
[Illustration: Au premier feu de la troupe, mon pauvre Jean tombe.]
--Voila un sale cretin! me dit Horace en se penchant vers mon oreille.
Son ame est aussi crasseuse que sa blouse!"
Je ne partageais pas le mepris d'Horace. Je ne connaissais presque pas
le Masaccio, mais je le savais intelligent et laborieux. M. Delacroix en
faisait grand cas, et ses camarades avaient de l'estime et de l'amitie
pour lui. Il fallait qu'une pensee que je ne comprenais pas fut cachee
sous ces manifestations de cupidite ingenue; et comme il avait declare,
en commencant, n'avoir rien de secret a me dire, je prevo
|