eur elan n'en est pas
moins romanesque; que leurs facultes d'execution soient bornees, leurs
conceptions n'en sont pas moins demesurees: aussi se drapent-ils
perpetuellement avec le manteau du personnage qu'ils ont dans
l'imagination. Ce personnage est bien l'homme meme, puisqu'il est son
reve, sa creation, son mobile interieur. L'homme reel marche a cote de
l'homme ideal; et comme nous voyons deux representations de nous-memes
dans une glace fendue par le milieu, nous distinguons dans cet homme,
dedouble pour ainsi dire, deux images qui ne sauraient se detacher, mais
qui sont pourtant bien distinctes l'une de l'autre. C'est ce que
nous entendons par le mot de seconde nature, qui est devenu synonyme
d'habitude.
Horace, donc etait ainsi. Il avait nourri en lui-meme un tel besoin de
paraitre avec tous ses avantages, qu'il etait toujours habille, pare,
reluisant, au moral comme au physique. La nature semblait l'aider a ce
travail perpetuel. Sa personne etait belle, et toujours posee dans des
altitudes elegantes et faciles. Un bon gout irreprochable ne presidait
pas toujours a sa toilette ni a ses gestes; mais un peintre eut pu
trouver en lui, a tous les instants du jour, un effet a saisir, il etait
grand, bien fait, robuste sans etre lourd. Sa figure etait tres-noble,
grace a la purete des lignes; et pourtant elle n'etait pas distinguee,
ce qui est bien different. La noblesse est l'ouvrage de la nature,
la distinction est celui de l'art; l'une est nee avec nous, l'autre
s'acquiert. Elle reside dans un certain arrangement et dans l'expression
habituelle. La barbe noire et epaisse d'Horace etait taillee avec
un dandysme qui sentait son quartier latin d'une lieue, et sa forte
chevelure d'ebene s'epanouissait avec une profusion qu'un dandy
veritable aurait eu le soin de reprimer. Mais lorsqu'il passait sa main
avec impetuosite dans ce flot d'encre, jamais le desordre qu'elle y
portait n'etait ridicule ou nuisible a la beaute du front. Horace savait
parfaitement qu'il pouvait impunement deranger dix fois par heure sa
coiffure, parce que, selon l'expression qui lui echappa un jour devant
moi, ses cheveux _etaient admirablement bien plantes._ Il etait habille
avec une sorte de recherche. Il avait un tailleur sans reputation et
sans notions de la vraie _fashion_, mais qui avait l'esprit de le
comprendre et de hasarder toujours avec lui un parement plus large, une
couleur de gilet plus tranchee, une coupe plus cambree, un gilet mi
|