de faculte est un grand devoir impose par la Providence?
--Voila une belle parole, dit Arsene, dont les yeux s'enflammerent tout
a coup. Mais il y a d'autres devoirs que ceux qu'on remplit envers
soi-meme. Tant pis! Allons, je m'en vais dire a l'atelier que vous
viendrez a trois heures, n'est-ce pas?"
Et il sauta a bas de la commode, me serra la main sans rien dire,
salua a peine Horace, et s'enfonca comme un chat dans la profondeur de
l'escalier, s'arretant a chaque etage pour faire rentrer ses talons dans
ses souliers delabres.
IV.
Paul Arsene revint me voir; et quand nous fumes seuls, j'obtins, non
sans peine, la confidence que je pressentais. Il commenca par me faire
en ces termes le recit de sa vie:
"Comme je vous l'ai dit, Monsieur, mon pere est cordonnier en province.
Nous etions cinq enfants; je suis le troisieme. L'aine etait un homme
fait lorsque mon pere, deja vieux, et pouvant se retirer du metier avec
un peu de bien, s'est remarie avec une femme qui n'etait ni belle ni
bonne, ni jeune ni riche, mais qui s'est emparee de son esprit, et
qui gaspille son honneur et son argent. Mon pere, trompe, malheureux,
d'autant plus epris qu'elle lui donne plus de sujets de jalousie, s'est
_jete dans le vin_, pour s'etourdir, comme on fait dans notre classe
quand on a du chagrin. Pauvre pere! nous avons bien patiente avec lui,
car il nous faisait vraiment pitie. Nous l'avions connu si sage et si
bon! Enfin, un temps est venu ou il n'etait plus possible d'y tenir. Son
caractere avait tellement change, que pour un mot, pour un regard, il se
jetait sur nous pour nous frapper. Nous n'etions plus des enfants, nous
ne pouvions pas souffrir cela. D'ailleurs nous avions ete eleves avec
douceur, et nous n'etions pas habitues a avoir l'enfer dans notre
famille. Et puis, ne voila-t-il pas qu'il a pris de la jalousie contre
mon frere aine! Le fait est que la belle-mere lui avait fait des
avances, parce qu'il etait beau garcon et bon enfant; mais il l'avait
menacee de tout raconter a mon pere, et elle avait pris les devants,
comme dans la tragedie de _Phedre_, que je n'ai jamais vu jouer depuis
sans pleurer. Elle avait accuse mon pauvre frere de ses propres
egarements d'esprit. Alors mon frere s'est vendu comme remplacant, et
il est parti. Le second, qui prevoyait que quelque chose de semblable
pourrait bien lui arriver, est venu ici chercher fortune, en me
promettant de me faire venir aussitot qu'il aurait trouve un moye
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