, je suis perdu.
Adieu ma carriere politique; adieu mon austere et vaste avenir! Je
ne sais rien etre a demi. Voyons, serai-je orateur, serai-je poete,
serai-je amoureux?
--Si nous commencions par etre etudiants? lui dis-je.
--Helas! vous en parlez a votre aise, repondit-il. Vous etes etudiant et
amoureux. Moi, je n'aime pas, et j'etudie encore moins!"
III.
Horace m'inspirait le plus vif interet. Je n'etais pas absolument
convaincu de cette force heroique et de cet austere enthousiasme qu'il
s'attribuait dans la sincerite de son coeur. Je voyais plutot en lui
un excellent enfant, genereux, candide, plus epris de beaux reves que
capable encore de les realiser. Mais sa franchise et son aspiration
continuelle vers les choses elevees me le faisaient aimer sans que
j'eusse besoin de le regarder comme un heros. Cette fantaisie de sa part
n'avait rien de deplaisant: elle temoignait de son amour pour le beau
ideal. De deux choses l'une, me disais-je: ou il est appele a etre un
homme superieur, et un instinct secret auquel il obeit naivement le lui
revele, ou il n'est qu'un brave jeune homme, qui, cette fievre apaisee,
verra eclore en lui une bonte douce, une conscience paisible, echauffee
de temps a autre par un rayon d'enthousiasme.
Apres tout, je l'aimais mieux sous ce dernier aspect. J'eusse ete plus
sur de lui voir perdre cette fatuite candide sans perdre l'amour du beau
et du bien. L'homme superieur a une terrible destinee devant lui. Les
obstacles l'exasperent, et son orgueil est parfois tenace et violent, au
point de l'egarer et de changer en une puissance funeste celle que Dieu
lui avait donnee pour le bien. D'une maniere ou de l'autre, Horace me
plaisait et m'attachait. Ou j'avais a le seconder dans sa force, ou
j'avais a le secourir dans sa faiblesse. J'etais plus age que lui de
cinq a six ans; j'etais doue d'une nature plus calme; mes projets
d'avenir etaient assis et ne me causaient plus de souci personnel. Dans
l'age des passions, j'etais preserve des fautes et des souffrances par
une affection pleine de douceur et de verite. Je sentais que tout ce
bonheur etait un don gratuit de la Providence, que je ne l'avais pas
merite assez pour en jouir seul, et que je devais faire profiter
quelqu'un de cette serenite de mon ame, en la posant comme un calmant
sur une autre ame irritable ou envenimee. Je raisonnais en medecin; mais
mon intention etait bonne, et, sauf a repeter les innocentes vanteries
de mon pau
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