de l'inquietude et dans l'agitation
de la lutte. Il viendra un temps, je le crois fermement, ou tous les
jeunes gens ne seront pas resolus a devenir chacun le premier homme de
son siecle ou a se bruler la cervelle. Dans ce temps-la, chacun ayant
des droits politiques, et l'exercice de ces droits etant considere comme
une des faces de la vie de tout citoyen, il est vraisemblable que la
carriere politique ne sera plus encombree de ces ambitions palpitantes
qui s'y precipitent aujourd'hui avec tant d'aprete, dedaigneuses de
toute autre fonction que celle de primer et de gouverner les hommes.
Tant il y a que madame Dumontet, qui comptait sur ses dix mille francs
d'economie pour doter sa fille, consentit a les entamer pour l'entretien
de son fils a Paris, se reservant d'economiser desormais pour marier
Camille, la jeune soeur d'Horace.
Voila donc Horace sur le beau pave de Paris, avec son titre de bachelier
et d'etudiant en droit, ses dix-neuf ans et ses quinze cents livres de
pension. Il y avait deja un an qu'il y faisait ou qu'il etait cense y
faire ses etudes lorsque je fis connaissance avec lui dans un petit cafe
pres le Luxembourg, ou nous allions prendre le chocolat et lire les
journaux tous les matins. Ses manieres obligeantes, son air ouvert, son
regard vif et doux, me gagnerent a la premiere vue. Entre jeunes gens on
est bientot lie, il suffit d'etre assis plusieurs jours de suite a la
meme table et d'avoir a echanger quelques mots de politesse, pour qu'au
premier matin de soleil et d'expansion la conversation s'engage et se
prolonge du cafe au fond des allees du Luxembourg. C'est ce qui nous
arriva en effet par une matinee de printemps. Les lilas etaient en
fleur, le soleil brillait joyeusement sur le comptoir d'acajou a
bronzes dores de madame Poisson, la belle directrice du cafe. Nous nous
trouvames, je ne sais comment, Horace et moi, sur les bords du grand
bassin, bras dessus, bras dessous, causant comme de vieux amis, et ne
sachant point encore le nom l'un de l'autre; car si l'echange de nos
idees generales nous avait subitement rapproches, nous n'etions pas
encore sortis de cette reserve personnelle qui precisement donne une
confiance mutuelle aux personnes bien elevees. Tout ce que j'appris
d'Horace ce jour-la, c'est qu'il etait etudiant en droit; tout ce qu'il
sut de moi, c'est que j'etudiais la medecine. Il ne me fit de questions
que sur la maniere dont j'envisageais la science a laquelle je m'etais
vou
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