de nos jours, je l'ai
essayee cette fois-ci encore; et si je n'ai pas mieux reussi que de
coutume, comme de coutume je dirai que c'est la faute de l'auteur et non
celle de la verite. Les marquis d'aujourd'hui ne sont plus ridicules.
Une couche nouvelle de la societe ayant pousse l'ancienne, il est
certain que les pretentions et les impertinences de la vanite ont change
de place et de nature. J'ai tente de faire un peu attentivement la
critique du beau jeune homme de ce temps-ci; et ce _beau_ n'est pas ce
qu'a Paris on appelle _lion_. Ce dernier est le plus inoffensif des
etres. Horace est un type plus repandu et plus dangereux, parce qu'il
est plus eleve en valeur reelle. Un _lion_ n'est le successeur ni des
marquis de Moliere ni des roues de la Regence; il n'est ni bon ni
mechant; il rentre dans la categorie des enfants qui s'amusent a faire
les matamores. Cette impuissante affectation des grands vices qui ne
sont plus n'est qu'un tres-petit episode de la scene generale. Horace a
du traverser cet episode; mais il partait d'un autre point et cherchait
un autre but. Dieu merci, un seul ridicule ne suffit pas a cette
jeunesse ambitieuse, qui s'agrandit et s'epure a travers mille erreurs
et mille fautes, grace au puissant mobile de l'amour-propre. Mon ami,
nous avons souvent parle de ceux de nos contemporains chez qui nous
avons vu la personnalite se developper avec un exces effrayant; nous
leur avons vu faire beaucoup de mal en voulant faire le bien. Nous les
avons parfois railles, souvent repris; plus souvent nous les avons
plaints, et toujours nous les avons aimes, _quand meme_!
GEORGE SAND.
I.
Les etres qui nous inspirent le plus d'affection ne sont pas toujours
ceux que nous estimons le plus. La tendresse du coeur n'a pas besoin
d'admiration et d'enthousiasme: elle est fondee sur un sentiment
d'egalite qui nous fait chercher dans un ami un semblable, un homme
sujet aux memes passions, aux memes faiblesses que nous. La veneration
commande une autre sorte d'affection que cette intimite expansive de
tous les instants qu'on appelle l'amitie. J'aurais bien mauvaise opinion
d'un homme qui ne pourrait aimer ce qu'il admire; j'en aurais une plus
mauvaise encore de celui qui ne pourrait aimer que ce qu'il admire. Ceci
soit dit en fait d'amilie seulement. L'amour est tout autre: il ne vit
que d'enthousiasme, et tout ce qui porte atteinte a sa delicatesse
exaltee le fletrit et le desseche. Mais le plus doux de tous les
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