derions, en les formant, qu'a un
penchant, a une fantaisie de notre esprit. Au fond, il n'y aurait que
des substances et des accidents. Est-ce la le conceptualisme d'Abelard?
nullement; il a repete jusqu'a satiete que de la substance en general
a l'individu il y a des degres, et que ce n'est point par les simples
accidents que l'on peut combler la distance. Il s'est empare d'une idee
aristotelique, la distinction de la matiere et de la forme, sans l'une
ou l'autre desquelles il n'existe rien, et il a pose comme realites,
comme elements necessaires de l'etre, la matiere (genre); la forme
specifique (difference, espece); enfin la forme propre (individu); mais
toutes ces choses ne sont separables qu'en puissance.
Un contemporain, et probablement un disciple d'Abelard, a decrit dans
quelques fragments precieux la vraie doctrine de son maitre. Il l'a
ramenee avec, raison a un seul point, la forme. C'est la place et le
role qu'Abelard donne a la forme, qui font le caractere et la valeur de
son systeme. Nous la resumerons une derniere fois d'apres cet interprete
anonyme[123].
[Note 123: _De Intellectibus_, In fine, p. 404]
Un principe a ete pose: "Tout ce qui est est ou substance ou accident."
Ce principe est faux. Il exprime une division qui ne suffit pas, comme
on dit en logique, c'est-a-dire qui n'embrasse pas toute la realite.
Si elle etait complete, en effet, il faudrait que la rationnalite, qui
apparemment n'est pas substance, fut accident. Accident, son absence ou
sa presence dans l'homme serait indifferente, et par consequent l'homme
reduit a l'animal sans raison serait encore un homme. La division
exprimee par le principe ne serait donc plausible qu'a la condition
d'entendre l'accident d'une maniere large, et de donner ce nom a tout ce
qui est attribut de la substance a un titre quelconque. Alors la forme,
le propre seraient des accidents; mais il faudrait toujours distinguer
parmi ces accidents, et l'on serait oblige de designer certains
d'entr'eux par le nom presque contradictoire d'accidents essentiels.
Telle serait la rationnalite. Elle est mieux distinguee, quand on dit
qu'elle est une forme. La forme, c'est l'accident ou mode dont le
retranchement,--je parle le langage aristotelique,--_corrompt_ la
substance dont elle est un des constituants; c'est-a-dire fait sortir
une substance de la classe ou elle est placee pour la faire passer dans
une autre. Retranchez la raison a l'homme, l'homme est _corrompu_, l
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