our le moins aussi difficile a concevoir que
celui des idees de Platon. Aristote ne peut sauver l'existence de ses
formes qu'a l'aide de la distinction de la puissance et de l'acte; mais
de l'etre en puissance, cela se resout au vrai dans les conditions de
l'etre, par consequent dans les conceptions de l'esprit. Des conceptions
de l'esprit fondamentales, necessaires, primordiales, qu'est-ce autre
chose que des idees eternelles? On peut dire, a mon sens, contre
Aristote tout ce qu'il a dit contre Platon, et l'on voit que les
modernes sont plus conceptualistes qu'Abelard.
Cela veut-il dire que les modernes sont nominalistes?
Ecartez le langage de notre scolastique, et vous trouverez peut-etre que
sa doctrine serait aujourd'hui exposee dans ces termes. L'experience ne
manifeste, l'intelligence ne concoit que des etres individuels, comme
etant en pleine possession de l'existence. Les genres, les especes ne
sont, au positif, que des collections d'individus; dans l'individu, le
sujet de l'existence est la substance; toute substance est individuelle;
elle est substance, c'est-a-dire qu'elle est l'un et l'etre, pour dire
comme les Grecs. Mais quel _un_, mais quel _etre_ est-elle? Elle est
telle et non pas telle. Ce qu'elle est ainsi, c'est ce qu'on appelle son
essence. La substance, consideree en elle-meme, par abstraction ou en
puissance, n'a pas d'essence; mais en acte ou en realite, mais des
qu'elle existe, elle a ou plutot elle est une essence. Point de
substance sans essence. Tout ceci repond a la theorie de la matiere et
de la forme.
L'essence, pour l'esprit qui ne fait que concevoir la substance et ne
la connait pas, se represente comme une qualite. _Quid_ n'est connu que
comme _quale_, mais est concu comme _quid_. L'essence est-elle donc pour
cela la qualite en general, ou se compose-t-elle de toutes les qualites
du sujet de l'existence?
Comme substance, ce sujet est un, lui, et pas un autre, c'est la
l'individualite; comme essence, il est de telle ou telle nature. Cette
nature determinee ne se determine pour nous que par les qualites que
nous percevons ou induisons dans le sujet; mais ces qualites diverses ne
peuvent etre ni confondues entre elles, ni rangees sur la meme ligne:
elles sont toutes reelles, mais il en est de constitutives, il en est
d'accessoires, et parmi les constitutives, les unes sont communes a un
plus grand nombre d'etres, les autres a un nombre moindre. Il y en a
d'universelles, c'est-a-dir
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