ercher.
C'etait la petite fille d'une actrice, jadis fameuse par son esprit et
la loyaute de ses amities. Jolie fille, jeune, menee uniquement par son
imagination, un peu pretentieuse d'allure et de ton, mais incapable d'un
geste qui ne fut pas gracieux, elle m'emut. Je m'apercus de mon
sentiment au soin que je pris de ne pas m'avouer qu'elle ne possedait
que des idees acquises et, pour son propre fonds, de la vanite.
D'ailleurs, je lui vis le genre de sourire que je prefere, imprevu, fait
de coquetterie et de bonte.
Quelque chose de hache dans mes discours, une apparence de franchise qui
est faite de desir de plaire et d'indifference a l'opinion, voila les
caracteres qui lui plurent tout d'abord en la deroutant.
* * * * *
C'est une legere tristesse de constater, chez un objet de vingt ans
qu'on affectionne, la science de dominer les hommes par un melange de
pudeur et de caresses, quand on reflechit aux experiences qui la lui
acquirent.
Elle usa d'un jeu de passion brisee, puis reprise, qui est le plus
convenable pour m'emouvoir. Quand je me depitais, elle ne faisait que
rire, ne voulant pas croire que je pusse tenir a elle. Si elle m'avait
promis de bonne grace et des le debut du diner ce dont je la pressais a
la fin de la soiree, peut-etre en aurais-je baille. Car allumer une
derniere cigarette,--attendre dans un fauteuil l'instant de la voir
jolie, fraiche d'une toilette simplifiee, et complaisante avec de beaux
cheveux et des yeux tendres,--ne plus me disperser dans mille soucis
mais me reunir dans une action vive,--toutes ces fines emotions, les
soirs que, me serrant la main, elle ne me laissait pas descendre de la
voiture qui la reconduisait, je m'enervais a les evoquer et a croire
que, la veille, je les avais goutees chez elle. Mais en verite j'y etais
demeure fort insensible. Seule nous emeut la beaute que nous ne pouvons
toucher. Cette atmosphere de sensualite delicate dont mon regret
emplissait sa chambre, je la composais par le procede de l'abstraction,
malhonnete au cas particulier. En realite, les traits seduisants que
j'assemble autour de son baiser ne furent jamais reunis; cette heure-la
au contraire est faite de mille details oiseux et parfois choquants.
D'ailleurs, ces minutes offriraient-elles tout ce plaisir dont ma fievre
contrariee les embellit, elles ne me seraient nullement indispensables;
et si trois soirs de suite, je me couchais vers les onze heures, aya
|