Abelard, et il lui fit quelques
observations sur ses doctrines. Cette premiere conference n'ayant rien
produit, une seconde eut lieu, et cette fois _en presence de deux ou
trois temoins_, suivant le precepte de l'Evangile[238]. Il l'engagea a
revoir ses ecrits, a modifier ses assertions, surtout a ralentir les pas
trop rapides de ses disciples dans la voie qu'il leur avait ouverte.
La conversation fut assez amicale. Un secretaire de saint Bernard, son
panegyriste et son biographe, assure meme qu'on s'entendit et que ce
dernier obtint quelques promesses rassurantes. C'est ce que ne confirme
point la relation officielle, envoyee au saint-siege par les eveques,
apres la decision du concile[239]. Il y eut une simple conference
preliminaire, d'ou chacun se retira avec des esperances, parce que, de
part et d'autre, on resta en des termes bienveillants. Comme Abelard
etait eloigne de toute idee de schisme, et que ses propositions les plus
hasardees comportaient pour la plupart une explication plausible, un
entretien commence sans le desir de rompre devait conduire a quelque
espoir de rapprochement entre Bernard et lui. L'un n'etait point presse
de pousser les choses a l'extreme; il ne cherchait pas un eclat;
l'autre, toujours place entre la soumission et la revolte, desirait se
maintenir a l'egard du pouvoir ecclesiastique dans une independance sans
hostilite; il ne ceda donc pas a son adversaire, mais il ne l'irrita
pas.
[Note 237: Voyez ci-dessus, p. 116.]
[Note 238: "Si ton frere a peche contre toi, va et reprends-le entre
toi et lui; s'il t'ecoute, tu auras gagne ton frere. S'il ne t'ecoute
pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que tout soit
confirme sur la parole de deux ou de trois temoins." (Math., XVIII, 15
et 16.)]
[Note 239: Geoffroi, ne a Auxerre, moine de Clairvaux, secretaire
(_notarius_) de saint Bernard, et qui a ecrit sa vie, avait ete quelque
temps disciple d'Abelard; mais il appartenait tout entier au parti
oppose lors du concile de Sens. Il affirme qu'Abelard promit de
s'amender a la volonte de saint Bernard, "ad ipsius arbitrium
correcturum se promitteret universa." Mais les eveques de France, dans
leur lettre au pape, parlent de la conference _familiere et amicale_ ou
Abelard fut averti; et ils ne disent point ce qu'il repondit. S'il eut
fait une promesse violee plut tard, leur interet etait de le rappeler.
(Cf. Gaufr., l. III, _De vit. S. Bernardi. Rec. des Hist._, t. XIV, p.
370,
|