lui rappelant que Dieu est puissant et en se
recommandant a ses prieres[234].
[Note 234: S. Bern., _Op._, ep. CCCXVII.]
Les defenseurs de saint Bernard ont insiste sur cette preuve de sa
froideur au debut de toute cette affaire. Ils en concluent qu'on ne
le saurait accuser d'inimitie ni de passion, et mettent un soin peu
explicable a le disculper de toute initiative dans une poursuite que
cependant ils approuvent, et qu'ils le louent d'avoir soutenue plus tard
avec chaleur et perseverance. En tout genre, les apologies sont souvent
contradictoires; elles tendent a etablir a la fois que celui qu'elles
defendent n'a pas fait ce qu'on lui reproche et qu'il a eu raison de
le faire. Ainsi, selon ses partisans, saint Bernard serait louable de
n'avoir pas suscite l'affaire qu'il est louable pourtant d'avoir suivie.
Evidemment, tout cela importe peu; et si, comme les documents
l'attestent, le zele de Guillaume de Saint-Thierry alluma celui de
l'abbe de Clairvaux, la conduite de ce dernier n'en est ni mieux
justifiee ni plus condamnable.
Nous avons vu, en 1121, au concile de Soissons, la sage moderation de
l'eveque de Chartres intervenir avec une grande autorite. Son influence
n'eut pas ete moindre dans les nouvelles conferences de 1139 ou de 1140.
Le titre de legat qu'il portait encore et que son humilite changeait
en celui de _serviteur du saint-siege apostolique_, n'aurait fait
qu'ajouter a son ascendant. Mais bien qu'il ait participe aux operations
du concile de Sens[235], il s'efface dans toute cette affaire, et
d'ailleurs sa position politique dans l'Eglise, sa liaison avec saint
Bernard, la recente communaute de leur conduite et de leurs efforts en
tout ce qui touchait les interets de la papaute, devaient le porter
imperieusement a marcher avec lui. Il est probable qu'il suivit le
mouvement sans ardeur et sans resistance.
[Note 235: Je ne sais ou Gervaise a pris que Geoffroi etait mort
cette annee meme, le jour de Paques, et par consequent n'avait pu
assister au concile (t. II, l. V, p. 86). Il y assiste, il signa les
lettres synodiques, il etait encore legat en 1144, _sancto sedis
apostolicae famulus_, et ne mourut que le 29 janvier 1145. (S. Bern.,
_Op_., ep. CCCXVII.--_Gallia Christ_., t. VIII, p. 1134.--_Hist. litt_.,
t. XIII, p. 84.)]
Saint Bernard fut donc abandonne a lui-meme. C'etait un esprit plus
eleve qu'etendu, et dont la sagacite naturelle etait limitee par une
piete ardente et credule. Il la pous
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