les
atomes d'une molecule.
_Procedes de demonstration: descriptions, analyse:_ De meme que
l'ecriture de Flaubert se decompose finalement en une succession de
phrases independantes douees de caractere identiques, ainsi ses
descriptions, ses portraits, ses analyses d'ames, ses scenes d'ensemble
se reduisent a une enumeration de faits qui ont de particulier d'etre
peu nombreux, significativement choisis, et places bout a bout sans
resume qui les condense en un aspect total.
La ferme du pere Rouault, au debut de _Madame Bovary_, puis le chemin
creux par ou passe la noce aux notes egrenees d'un menetrier,--un canal
urbain, un champs que l'on fauche dans _Bouvard et Pecuchet_, sont
decrits en quelques traits uniques accidentels et frappants, sans phrase
generale qui designe l'impression vague et entiere de ces scenes. Le
merveilleux paysage de la foret de Fontainebleau, dont l'idylle apparait
au milieu de l'_Education sentimentale_, est peint de meme avec des
types d'arbre, de petits sentiers, des clairieres, des sables, des jeux
de lumiere dans des herbes; le fulgurant lever de soleil a la fin du
banquet des mercenaires dans le jardin d'Hamilcar, est montre en une
suite d'effets particuliers a Carthage, etincelles que l'astre met au
faite des temples et aux clairs miroirs des citernes, hennissements des
chevaux de Khamon, tambourins des courtisanes sonnant dans le bois de
Tanit; et pour la nuit de lune ou Salammbo profere son hymne a la
deesse, ce sont encore les ombres des maisons puniques et
l'accroupissement des etres qui les hantent, les murmures de ses arbres
et de ses flots, qui sont enumeres.
Les portraits de Flaubert sont traces par ce meme art fragmentaire.
Mannaei, le decharne bourreau d'Herode, la vieille nourrice au profil de
bete qui sert Salammbo, sont depeints en traits dont le lecteur doit
imaginer l'ensemble. Que l'on se rappelle toutes les physionomies
modernes que le romancier a mises dans notre memoire, les camarades de
Frederic Moreau, les hotes des Dambreux, le pere Regimbard imposant,
furibond et sec, Arnoux, la delicieuse heroine du livre; puis la figure
de _Madame Bovary_, les grotesques, Rodolphe brutal et fort, les croquis
des comices, le debonnaire aspect du mari, et les merveilleux profils de
l'heroine,--toutes ces figures et ces statures sont retracees
analytiquement, en traits et en attitudes; ainsi:
"Jamais Mme Bovary ne fut aussi belle qu'a cette epoque.... Ses
paupieres semblaient
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