st la comedie de l'amour.
L'amour declare, connu de celui qui l'eprouve et de celui a qui il
s'adresse, n'est point matiere de comedie a lui tout seul. Car de deux
choses l'une: ou il est malheureux, et c'est un drame qui commence, ou
il est heureux, et il n'y a rien a en tirer du tout. L'amour commencant,
au contraire, peut etre comique, parce qu'il s'ignore pendant que le
spectateur s'en apercoit; parce qu'il se trompe d'objet; parce qu'il
hesite, recule, louvoie, se prend aux pieges des precautions dont il se
defend; par tout ce qui s'y mele de depit, de honte, de fausse honte,
de fierte qui finit par capituler, d'amour-propre qui finit par etre
confondu, de mille autres choses, et la est le drame gai et divertissant
de l'amour.--Dans une comedie ou l'amour n'est pas un ressort, mais le
fond meme, c'est le moment ou les amoureux s'apercoivent clairement
qu'ils aiment, _qui est celui du denouement_, et, au contraire des
autres, c'est par la declaration d'amour que ce genre de drame doit
finir.--Et c'est ainsi que finissent d'ordinaire les comedies de
Marivaux.--On concoit combien cette maniere d'entendre la comedie rend
le travail de l'auteur difficile. Il doit suivre avec surete le travail
insaisissable d'un sentiment a peine forme au fond d'un coeur, et le
rendre tres visible au public, sans qu'il le soit aux personnages. Il
doit etudier des passions si indecises encore que ceux qui ont le
plus d'interet a s'en rendre compte ne s'en doutent point, et que le
spectateur qui n'a que l'interet de son plaisir doit les voir pleinement
et les suivre sans peine. Il doit mettre le public dans la confidence,
sans y mettre aucun des acteurs; et dans la confidence, non d'un fait,
facile a faire connaitre une fois pour toutes, mais des lueurs fugitives
d'une passion secrete, des velleites de l'amour. Il y a de la gageure
dans cette conception de l'art et le desir malicieux, la pretention
piquante de vouloir etre compris sans presque rien dire. Marivaux a de
la femme jusqu'a la coquetterie.
Il reussit du reste pleinement a ce jeu aimable. C'est que, d'abord,
cette science si sure qu'il faut avoir, en pareil dessein, de la
complexion, pour ainsi dire, et de la nature intime de l'amour, il l'a
pleinement. Personne, depuis La Rochefoucauld, mais en matiere d'amour
seulement, n'a su demeler si finement ce qui entre dans la composition
d'un sentiment ou d'une passion. De quoi l'amour est fait, dans telle
circonstance ou dans telle au
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