differentes; mais quand la
variete des idees va jusqu'au conflit, il n'est pas homme a ne s'en
point aviser. La maniere dont il s'est degage ici montre, de ses
differents sentiments, quel est enfin celui qui l'emporte. Cette theorie
des climats il ne la pousse pas jusqu'a l'exclusion de la raison
legislative; il l'y subordonne. Ces puissances naturelles il y croit;
mais il croit que le legislateur peut et doit les combattre (Livre
XVI).--Loin que la loi soit la derniere consequence fatale du climat,
elle est faite pour lutter contre lui, bonne a proportion qu'elle lui
est contraire. "Les bons legislateurs sont ceux qui se sont opposes aux
vices du climat, et les mauvais ceux qui les ont favorise." Il faut
opposer les "_causes morales_" aux "_causes physiques_" (XIV, 5),
combattre la paresse, par exemple, par l'honneur (XIV, 9), l'inertie
fataliste des pays chauds par une doctrine d'initiative et d'energie
(XIV, 5); etc.
Ce n'est pas tout: si les moeurs sont des effets du climat, que le
legislateur doit temperer, les constitutions, de plus loin, le sont
aussi. Ce sera aux lois particulieres de temperer les constitutions,
comme c'etait aux constitutions de redresser les mauvaises influences
des climats. La ou la forme du gouvernement comportera une certaine
rapidite d'execution, les lois devront y mettre une certaine lenteur (V,
10). "Elles ne devraient pas seulement favoriser la nature de chaque
constitution, mais encore remedier aux abus qui pourraient resulter de
cette meme nature."
Et nous voila aussi loin que possible du point ou nous etions tout
a l'heure; nous voila, non plus avec un philosophe experimental, un
naturaliste politique; mais avec une sorte de fabricateur souverain, un
demiurge, une sorte de mecanicien qui monte et demonte les rouages des
institutions humaines, non seulement explique le jeu des ressorts, mais
croit qu'on en peut fabriquer, en fabrique, met ici plus de poids, la
plus de liant, ralentit ou precipite par l'addition d'une roue ou d'un
balancier, a le secret de l'equilibre, et croit avoir la puissance de
l'etablir.
C'est ceci qu'il est surtout. Ses penchants sont tres divers, comme
chez un homme qui a beaucoup d'intelligence et peu de passions. Mais
l'intelligence, a s'exercer, devient une passion aussi, et si, souvent,
il lui suffit de comprendre, qu'elle aime bien mieux se satisfaire du
plaisir ou de l'illusion de creer! Montesquieu y cede avec ravissement.
En presence des peuples
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