otre XVIIe siecle l'a soutenu. Au commencement du XVIIIe on en
perdait le sens; mais vers la fin de ce meme siecle il revivait avec une
force singuliere, avait son contrecoup, et ridicule, et terrible aussi,
sur les moeurs et sur l'histoire. Montesquieu, en 1720, gardait, comme
une superstition domestique, ce qui avait ete un culte national et
devait devenir un fanatisme.
III
SON GOUT POUR LES RECITS DE VOYAGES
Ajoutez un nouveau personnage, un Montesquieu qui ressemble a Montaigne,
qui est curieux de moeurs singulieres, de coutumes locales, de relations
de voyage, et de voyages. Il lit Chardin de tres bonne heure, avec
passion, avec une grande application de reflexion aussi; car si les
_Persanes_ en sont sorties, une partie de l'_Esprit des Lois_ y a sa
source. Il est original par ce cote encore. De son temps on est curieux
de sciences, comme aussi bien il l'est lui-meme; on ne l'est point
d'exotisme. Au XVIe siecle les savants voyageaient beaucoup, mais
surtout pour courir a la recherche de manuscrits precieux et de savants.
Au XVIIe siecle, les Francais voyagent moins: la France est si grande,
son influence est si loin repandue! C'est a elle qu'on vient. Au XVIIIe
siecle on voyagera moins encore. La grande illusion des philosophes de
ce temps a ete de croire que Paris pensait pour le monde. L'idee de
legiferer a Paris pour l'humanite toute entiere en devait sortir.
Montesquieu s'est infiniment inquiete des differentes manieres qu'on
avait de penser et de sentir au dela des Pyrenees et des Alpes. Il
a voyage d'abord, et avec soin, dans les livres. Chardin; _Lettres
edifiantes et curieuses des missions etrangeres; Description des Indes
occidentales_ de Thomas Gage; _Recueil des voyages qui ont servi a
l'etablissement de la Compagnie des Indes_, etc., voila ses excursions
de bibliotheque.--Il a pousse plus loin. Il a voulu se donner le sens de
l'etranger, non plus la science par oui-dire de ce qui se passe loin
de nous, mais le tour d'esprit qu'on se donne a vivre en dehors de
la sphere natale, cette souplesse particuliere d'intelligence que la
transplantation donne aux esprits vigoureux, comme, du reste, elle rape
et use les esprits vulgaires. Il visita l'Angleterre, l'Allemagne, la
Hongrie, l'Autriche, Venise, l'Italie, la Suisse, la Hollande, curieux,
attentif, lisant, regardant, ecoutant, conversant avec les hommes les
plus celebres de toute l'Europe.
Voyage tout intellectuel, remarquez-le, tout de sav
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