os conscrits sur le terrain d'exercice. Or une marche de
flanc est aussi dangereuse au theatre qu'a la guerre, car le ridicule
tue aussi bien et aussi surement qu'un boulet de canon. Et de fait,
le public accueillait presque toujours ces pauvres licteurs d'un rire
moqueur qui avait pour premier inconvenient de detruire son propre
plaisir. Aujourd'hui, la tragedie est dans son ensemble beaucoup mieux
jouee qu'autrefois, meme que du temps de Rachel, que nous n'avons plus,
helas! La raison en est dans le soin que l'on prend de ne confier les
roles secondaires qu'a des acteurs capables de les tenir dignement et
aux precautions qu'on prend pour eviter aux figurants leur antique
mesaventure.
Voici a ce sujet les deux prescriptions les plus importantes. Dans la
tragedie, premierement, les soldats, les gardes, les licteurs doivent se
presenter sur la scene en groupe irregulierement serre, en ayant soin
d'eviter toute disposition pouvant presenter l'apparence de files ou de
rangs; deuxiemement, ils ne doivent jamais executer un mouvement ayant
une apparence de manoeuvre. Au surplus, on n'aurait eu, pour decouvrir
cette regle bien simple, qu'a regarder les medailles antiques, qui sont
des objets d'art, et comme tels en laissent apercevoir les procedes. Or
toujours, des qu'il y est figure des soldats a pied ou a cheval, que ce
soient des licteurs, des porte-etendards, des archers ou autres,
ils sont formes en groupes irreguliers, presentant une disposition
artistique bien plus que militaire. C'est la ce qu'il fallait imiter, et
ce qu'on s'est decide a faire par intuition peut-etre plutot que conduit
par le raisonnement. Quand un groupe de figurants, soldats ou licteurs,
arrive sur la scene, il doit se presenter vivement, en ayant l'attention
de ne pas prendre l'allure cadencee du pas militaire, et s'arreter
franchement sans se preoccuper de la regularisation des rangs; s'il
entre par le fond et s'il doit faire face au public, il faut que le
mouvement soit un et jamais decompose en deux mouvements. Si le choeur a
defile de flanc sous les yeux des spectateurs, il doit, en s'arretant,
conserver, si c'est possible, cette position et ne pas executer le
mouvement de front. Si l'on ne peut eviter ce mouvement, il faut qu'il
soit accompli librement et vivement par chaque figurant, sans que
son allure semble liee a celle de son voisin. Moyennant ces quelques
precautions, on evitera ce que jadis l'entree de ces figurants avait
toujours de
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