si grand que parce que notre douloureuse
sympathie a ete prealablement eveillee par les angoisses du choeur qui
se sont repercutees dans notre ame. Voila de la veritable science de
mise en scene. Elevee a ce degre, la mise en scene est un art qui n'a
rien a envier a l'orchestrique des anciens, et la Comedie-Francaise est
en cela egale, si ce n'est superieure, aux theatres d'Athenes.
Chez les anciens, le role du choeur etait bien plus considerable que ne
l'est jamais chez les modernes la figuration. Le choeur fut d'abord le
personnage principal et pour ainsi dire unique du drame; apres Eschyle,
a l'epoque de Sophocle, d'Euripide et d'Aristophane, il conserva encore,
sinon sa preponderance dramatique, au moins toute sa magnificence et
toute sa puissance poetique. Ce fut en lui que se resuma toujours
la beaute du spectacle, qui en fit l'attrait et qui constituait la
difficulte de la representation. C'etait, en effet, dans les evolutions
du choeur que consistait presque toute la mise en scene. Ecrites suivant
les lois et les metres de la poesie lyrique, les strophes etaient
dansees, mimees et chantees; ou du moins, pour etre plus exact, tandis
qu'on les recitait sur un rythme musical, on marchait en mesure en
appuyant le recit lyrique de gestes appropries. On concoit que la
formation d'un choeur, son instruction musicale et orchestrique
exigeaient de longues etudes et de nombreuses repetitions. Aujourd'hui,
c'est tout le contraire; le choeur n'est qu'un accessoire, et
parfois meme on le supprime sans beaucoup de facons. C'est ainsi que
dernierement, a l'Odeon, a une representation d'_Andromaque_, j'ai vu
supprimer la figuration dans la derniere scene du cinquieme acte, ce
qui est absolument contraire au texte de Racine, ce qui nuit a l'effet
representatif de cette supreme scene et ce qui en outre entraine la
suppression des quatre derniers vers de la tragedie.
C'est, en general, quand la piece est sue et prete a etre jouee que l'on
forme et que l'on faconne la figuration. Les figurants, il est
vrai, n'ont plus a reciter les choeurs de Sophocle, d'Euripide et
d'Aristophane, qui comptent parmi les plus beaux morceaux que nous ait
laisses la poesie lyrique. Aussi le dommage est-il moindre. Cependant
pendant longtemps les figurants ont depare la tragedie francaise. Jadis,
on faisait generalement avancer les soldats, grecs et les licteurs
romains en une sorte de file indienne; puis ils faisaient front, face au
public, comme n
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