de femmes; car la femme a une faculte
d'assimilation et d'imitation tres superieure a celle de l'homme. Le
premier soin est de determiner l'attitude du corps, le mouvement des
bras, des mains, et d'exiger que les regards ne quittent pas le point
fixe sur lequel ils sont diriges. On obtient de la sorte l'attitude
suppliante, qui determine chez les femmes agenouillees une disposition
morale conforme a leur aspect physique. A son tour, cette disposition
morale se reflechit et donne a leur attitude celle ressemblance
frappante avec la nature qui agit sur nous par une sorte d'influence
identique. Il s'etablit ainsi, chez les femmes agenouillees, un double
courant qui va du physique au moral et qui retourne du moral au
physique, double courant dont il ne faut qu'aucune distraction vienne
interrompre le circuit. Le public subit, comme nous l'avons dit,
l'influence du tableau qu'on compose pour ses yeux, et ses dispositions
morales se conforment a celles que les figurantes doivent a leur propre
attitude. On voit que la science de la mise en scene a la un point de
contact remarquable avec la physiologie.
Au dernier acte d'_Oedipe roi_, le role du choeur est plus important
encore. Il est regle a la Comedie-Francaise d'une maniere tout a fait
remarquable, et les mouvements de la figuration peuvent s'y comparer
aux evolutions savantes et mesurees des choeurs antiques. Le peuple de
Thebes est groupe au fond du theatre, devant le palais d'Oedipe. Il
vient d'apprendre la mort violente de Jocaste et d'entendre le recit
lamentable de l'attentat d'Oedipe sur lui-meme. Le miserable, en effet,
s'est enfonce dans les yeux une epingle d'or arrachee au cadavre de la
reine. Mais l'infortune s'approche. Alors le choeur s'ebranle, entraine
par ce mouvement de poignante curiosite qui pousse les foules au-devant
des spectacles tragiques. Dans une suite de mouvements successifs, en
quelque sorte musicalement mesures, le choeur monte et envahit les
marches du palais. Soudain l'effroi s'empare de cette foule des qu'elle
apercoit le malheureux que le public ne voit point encore, et un
mouvement de recul se dessine, harmonieusement mesure. Le peuple alors,
marche a marche et en des temps egaux, redescend les degres du palais,
s'ecartant devant un spectacle horrible; et c'est lorsque le public
a participe a ce double sentiment de curiosite anxieuse et d'effroi
qu'apparait le spectre aux yeux sanglants. Spectacle veritablement
tragique, mais qui n'est
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