s frappent dans ce grand nombre
d'exemplaires. Il suit de la que l'idee que nous avons du style d'une
epoque, que nous avons traversee, est generale et non particuliere, et
que, lorsqu'il s'agit de mise en scene, nous devons realiser dans la
decoration, dans l'ameublement et dans les costumes cette idee generale
qui est seule intelligible pour notre esprit et qui, seule, est pour
nous la verite. En outre, on peut remarquer que les idees particulieres
des contemporains, se changeant peu a peu en idees de plus en plus
generales a mesure que leur point de depart s'enfonce dans les brumes du
passe, il arrive un moment ou elles se fixent dans des types generaux
desormais invariables, au moins dans les previsions actuelles, et
auxquels nous devons rapporter tout ce que nous creons aujourd'hui dans
le but de representer telle ou telle epoque passee. Ce sont donc, dans
ce cas, ces types generaux et invariablement fixes dont le theatre nous
doit la representation fidele, puisque eux seuls repondent aux formes
que le temps a imposees a nos idees. Il y a donc un degre d'exactitude
au dela duquel la mise en scene deviendrait non seulement antitheatrale,
mais meme antiartistique. Une piece qu'on exhumerait au bout de
cinquante ans, dans les memes decorations et avec les memes costumes
qu'a sa premiere representation, nous ferait l'effet d'une veritable
caricature; car, en bien des points, elle pourrait se trouver en
contradiction avec les types que le temps aurait formes dans notre
esprit.
Ce qui precede nous amene donc a deux consequences importantes. La
premiere est que, lorsqu'une piece a fourni sa carriere et qu'on n'en
peut prevoir une reprise prochaine, il est desirable de detruire la mise
en scene. C'est d'ailleurs, lorsqu'une piece quitte l'affiche apres
avoir epuise son succes, l'effet de l'usure naturelle des choses. On ne
peut emmagasiner a l'infini des decors dont on ne prevoit pas l'utilite
prochaine, et dont quelques-uns peuvent etre fatigues et deteriores par
l'usage. Il en est de meme des costumes. La mise en scene se trouve donc
detruite _ipso facto_. La seconde consequence est que, lorsqu'on reprend
une piece depuis longtemps disparue de l'affiche, il n'y a pas lieu de
reproduire identiquement la mise en scene primitive.
Sur le premier point, on pourrait s'imaginer que la regle ne s'impose
point au repertoire classique, tragedies et comedies, que la mise en
scene en est immuable et si bien etablie qu'on n'y puis
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