ation de la
nature, modifiable suivant le temperament, la constitution physique et
l'adaptation physiologique de chacun de nous.
Il faut reconnaitre que la realite est en soi quelque chose qui echappe
a la certitude humaine, et que pour un meme objet il y a autant d'images
differentes de cet objet que d'observateurs. Et, en effet, ce que nous
appelons realite n'est en fait qu'une oeuvre d'art qui a pour auteur
l'artiste que la nature a cache au fond de chacun de nous. La pretention
qu'a l'ecole realiste d'etre plus vraie que l'ecole idealiste n'est,
chez beaucoup de ses adeptes, qu'une infirmite intellectuelle qui
consiste a croire les images qui se forment dans notre oeil plus
ressemblantes que celles qui se forment dans l'oeil de nos semblables.
Ou la theorie realiste ou naturaliste reprend de sa valeur et de son
importance, c'est lorsqu'elle nous fait une loi de substituer la vue
directe et immediate des objets a leur vue indirecte et mediate,
c'est-a-dire de repousser l'interposition, entre la nature et nous, de
temperaments artistiques differents de notre propre temperament.
Ajoutons que beaucoup de personnes restreignent la verite a la
particularite. Or une idee generale n'est pas moins vraie qu'une idee
particuliere; l'une s'applique a un plus grand nombre d'objets, l'autre
a un plus petit nombre, voila tout. Un decor representant un paysage ne
sera pas en contradiction avec la verite parce qu'il laissera de cote un
nombre plus ou moins grand de details particuliers faciles a constater
dans tel ou tel paysage reel. Seulement, il est une oeuvre artistique et
correspond exactement, par son degre de generalite, a ce qu'est une idee
dans l'ordre intellectuel. De meme un costume de theatre doit etre une
oeuvre d'art et nous donner l'idee du costume d'une epoque, ce a quoi
il parviendra sans etre tel ou tel costume particulier de cette epoque.
C'est d'ailleurs la un sujet que des pages ajoutees a des pages
n'epuiseraient pas. En ces matieres, il est inutile de chercher
a convaincre ceux qui ne se sont pas rendu compte de la maniere
synthetique dont se forment les idees dans leur esprit. Nous y
reviendrons au surplus dans la suite, quand nous nous occuperons plus
particulierement de la mise en scene des personnages de theatre.
CHAPITRE XXIII
De la representation des oeuvres classiques.--Du plaisir theatral.--De
la sensation du beau.--Analyse de cette sensation.
J'aborde un sujet dont l'interet ne le cede
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