st certain que l'actrice qui remplit ce role ne se
sentira genee ou retenue dans ses mouvements par aucun obstacle, et que
cet affranchissement de toute entrave materielle laissera a sa personne,
et par suite a ses gestes et a sa voix, une liberte qui formera
contraste avec la triste realite de la situation decrite par le poete.
Si, au contraire, l'actrice sent le poids de sa coiffure, si ses bras
ont quelque peine a soulever les plis du pallium qui l'enveloppe, releve
sur le sommet de la tete comme un voile; si ses pas trainent avec un
certain effort la longue tunique qui descend jusqu'a ses pieds, alors
elle laissera naturellement retomber sa tete; sa demarche trahira la
lassitude qui l'accable; ses bras appesantis chercheront un appui sur
les femmes qui l'accompagnent; ses gestes seront lents et languissants,
et sa voix, sa diction prendront le caractere correlatif de cet etat
physique qu'elle aura incline vers celui qui convient au personnage de
Phedre.
Avec un costume mieux approprie a la situation, l'actrice jouera plus
facilement son role et le jouera mieux. Ses gestes seront plus rares,
car le petit effort qu'il lui faudra faire sera un obstacle suffisant a
la plupart de ceux qui ne sont pas le fait d'une volonte determinee, et
ceux qu'elle aura la resolution d'achever seront d'un effet beaucoup
plus saisissant, parce qu'ils trahiront l'effort.
Dans tout le premier acte, Phedre est sous l'empire du mal qui la tue,
et l'actrice en exprimera facilement tous les sentiments, si elle a en
quelque sorte revetu l'aspect exterieur du personnage. Mais a la fin
du premier acte, combien change la situation! En apprenant la mort de
Thesee, Phedre reste saisie, immobile, silencieuse, ouvrant l'oreille
aux perfides conseils d'Oenone, qui ne vont que trop au-devant du
coupable espoir qui lui fait horreur. Au second acte, elle n'est plus
la femme mourante, qui, tout a l'heure, se trainait sur le seuil de son
appartement. L'animation de la vie a de nouveau colore ses joues. Sa
tete ne ploie plus sous les tresses savantes d'une chevelure que serre
une bandelette d'or. Elle a quitte le pallium qui l'enveloppait et elle
parait sur la scene couverte seulement de cette tunique legere qui
laisse voir son cou et ses bras, nus jusqu'aux epaules. Ici, le costume
de Phedre, tel qu'il est compose a la Comedie-Francaise, a bien le
caractere qui lui convient. Il decele, chez la femme, l'espoir inavoue
de toucher peut-etre le farouche Hipp
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