t en sentant leur etre vibrer avec plus
d'intensite, deviennent plus surs et plus maitres d'eux-memes; ils se
possedent d'autant mieux que le public se possede moins; et, dans ces
moments decisifs, quand les spectateurs sont en quelque sorte emportes
hors d'eux-memes, c'est a la puissance sur soi-meme que se reconnaissent
precisement les grands acteurs.
Mais on concoit que pour faire produire a la representation d'une oeuvre
classique tout ce qu'elle doit donner, il faut une savante et minutieuse
preparation. Or existe-t-il ou a-t-il existe quelque part un modele que
nous devions nous efforcer de reproduire dans la mise en scene tragique?
Voila, il semble, la question dont la reponse determinera la direction
de nos efforts dans la preparation d'une representation theatrale. Eh
bien, on peut affirmer que ce modele n'existe et n'a jamais existe que
dans notre imagination. Tout d'abord, si nous remontons le cours de
notre propre histoire litteraire, nous verrons comment ce modele imagine
a ete long a se former en nous. La mise en scene s'est bien lentement
perfectionnee et nos idees sur le costume datent a peu pres de la fin du
siecle dernier. Le costume tragique etait jadis de pure fantaisie,
un melange d'elements modernes et anciens, un compose de plumes, de
velours, de soie, le tout s'agencant en forme de tunique a l'antique,
retombant sur des cnemides resplendissantes. Quant a la decoration et
a la mise en scene, elles etaient ce qu'elles pouvaient au milieu des
spectateurs privilegies qui encombraient la scene. Ce n'est donc pas
sur notre propre theatre que nous pourrions trouver le modele que nous
cherchons. Pouvons-nous esperer, en remontant le cours du temps, le
rencontrer sur la scene tragique elle-meme ou furent representes les
drames de Sophocle et d'Euripide? Nos recherches ne seraient pas
couronnees de ce cote de plus de succes.
Nous n'avons que des idees assez confuses sur l'organisation des
theatres antiques; et le peu que nous en savons suffit pour nous
demontrer que dans l'antiquite la decoration et le costume des acteurs
etaient en partie fantaisistes et en partie hieratiques. Quant a ce que
nous appelons la couleur locale et la verite historique, les anciens ne
s'en preoccupaient nullement. D'ailleurs leurs personnages tragiques
appartenaient a un passe purement legendaire et epique, et etaient en
realite des creations de leur imagination. En pouvait-il etre autrement?
C'est precisement le caractere d
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