une Aricie; mais son char n'est pas dispose, ses chevaux ne sont
point atteles, ses gardes ne sont point prets a l'accompagner: tous ces
soins regarderaient precisement Theramene, son gouverneur. D'ailleurs
Hippolyte n'a point revetu le costume de voyage. Pourquoi des lors
tient-il son arc a la main, ses armes etant la derniere chose qu'il
ceindra ou qu'il prendra avant de monter sur son char? J'ajouterai que
cet arc est plutot une arme de chasse qu'une arme de guerre et se trouve
par suite en contradiction avec ce vers de la tragedie:
Mon arc, mes javelots, mon char, tout m'importune.
C'est donc une faute de mise en scene que de faire paraitre Hippolyle un
arc a la main. Si on voulait nous le montrer en tenue de depart (ce qui
est contraire a la situation), il aurait fallu lui mettre a la main une
de ces lances que les vases grecs donnent aux heros, aux Ajax et aux
Diomede.
CHAPITRE XXVII
Rapport du costume avec la personnalite.--Le costume doit s'accorder
avec les etats psychologiques d'un personnage.--Du costume de
Phedre.--Influence du costume sur le jeu et sur la diction.--Les
costumes d'_Iphigenie_.
Nous arrivons a l'examen du costume le plus important de la tragedie,
celui de Phedre elle-meme. Nous avons vu, a propos du role de Theramene
et de celui de Thesee, que la variete ou l'uniformite de costume depend
d'une loi qui a sa raison d'etre dans le developpement de l'action
dramatique. Le role de Phedre nous montrera, avec bien plus de force
encore, la necessite d'achever la reforme du costume tragique, en
l'associant en quelque sorte plus etroitement aux mouvements des
passions.
Dans le monde, aussi bien que sur le theatre, le costume est une partie
visible de nous-meme; c'est lui qui, avec notre figure et nos mains,
compose notre aspect exterieur. C'est ainsi, les mains et la figure
nues, mais couverts de leurs vetements habituels ou de costumes de
circonstance, que se fixent dans notre souvenir toutes les personnes
qui appartiennent a notre vie intime, a celle de notre ame. Nous ne
les voyons jamais dans leur nudite sculpturale; le nu est un etat sous
lequel nous ne les connaissons pour ainsi dire jamais et sous lequel,
le cas echeant, nous ne les reconnaitrions pas. Chez tous les peuples
civilises, qui ne vivent point sous des climats brulants, le costume
s'est superpose au corps, nous en voile les formes, un grand nombre de
mouvements, et se substitue a lui dans les images qui se forment
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