guratif
et dans les costumes, ce qui rentre dans le domaine du metteur en scene.
Quelle que soit la distance ou quel que soit le temps, d'ailleurs, on
descend du general au particulier en proportion de la connaissance que
nous possedons du milieu represente. En tout cas, il faut avoir le
courage de repudier toute manifestation inutile et par consequent
inopportune de la couleur locale. Le romantisme en a singulierement
abuse, et c'est precisement cet abus qui est cause que les pieces d'il y
a cinquante ans ont si vite vieilli et sont aujourd'hui singulierement
demodees. C'est que precisement ce qu'on appelle la couleur locale est
plus qu'on ne pense une question de point de vue. Nous n'avons jamais
qu'une notion imparfaite de ce qui est eloigne de nous par le temps ou
par la distance, et ce que nous croyons etre une verite absolue n'est
jamais qu'une verite relative, fondee precisement sur nos gouts, sur nos
idees, sur nos vues actuelles. On a abuse a un certain moment du moyen
age et de la chevalerie; or, ce qu'en 1830 on croyait etre, soit le
langage, soit l'esprit du moyen age, n'est aujourd'hui a nos yeux que
le langage et l'esprit de 1830. Nous voyons le passe sous un angle
different. Si donc, a cette epoque, on s'etait contente de marquer le
moyen age de traits generaux, ceux-ci auraient conserve le privilege
de nous le rendre a peu pres tel que nous pouvons encore le concevoir
aujourd'hui; mais ce sont les traits particuliers qui ont gate le
portrait et lui donnent maintenant un certain air de caricature.
N'est-ce pas, en effet, ce defaut, joint a l'abus du pittoresque et de
l'antithese, qui deja, du vivant meme de Victor Hugo, nuit a l'oeuvre
dramatique du poete, en depit de l'imagination poetique qu'on admire
dans _Hernani_, cette oeuvre rayonnante de jeunesse et de passion, en
depit de la perfection litteraire a laquelle atteint le style de _Ruy
Blas_. Au contraire, _le Cid_ et _Bajazet_ ont-ils vieilli? Ils n'ont
pas aujourd'hui une ride de plus qu'au jour ou ils ont paru sur la
scene. _Le Cid_ a par lui-meme un effet representatif considerable, mais
Corneille ne s'est pas abandonne a la couleur locale; ses heros sont
marques de traits humains plus que particulierement espagnols, sauf en
ce qui concerne l'honneur. Sans doute l'enflure du style cornelien ne
correspond plus a notre gout actuel, mais elle est corrigee par la
franchise de l'accent et par la beaute morale des situations, sur
laquelle la recherche
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