squ'on
ne comptoit faire qu'une relache, on se voit force de sejourner. Ajoutez a
ces dangers les vins de Cypre, qui de'leur nature sont trop ardents. Si
vous y mettez de l'eau, ils perdent toute leur saveur; si vous n'en mettez
point, ils attaquent le cerveau et brulent les entrailles. Quand Saint
Louis hiverna dans l'ile, l'armee y eprouva tous ces inconveniens. Il y
mourut deux cens et cinquante, que contes, que barons, que chevaliers, des
plus noble qu'il eust en son ost.
Il est un autre passage compose de mer et de terre, et celui-ci offre deux
routes; l'une, par l'Afrique, l'autre par l'Italie.
La voie d'Afrique est extremement difficile, a raison des chateaux
fortifies qu'on y rencontrera, du manque de vivres auquel on sera expose,
de la traversee des deserts et de l'Egypte qu'il faudra franchir. Le chemin
d'ailleurs est immense par sa longueur. Si l'on part du detroit de
Gibraltar, on aura, pour arriver a deux petites journees de Jerusalem, 2500
milles a parcourir; si l'on part de Tunis, on en aura 2400. Conclusion: la
voie d'Afrique est impracticable, il faut y renoncer.
Celle d'Italie presente trois chemins divers. L'un par Aquilee, par
l'Istrie, la Dalmatie, le royaume de Rassie (Servie) et Thessalonique
(Salonique), la plus grande cite de Macedoine, laquelle n'est qu'a huit
petites journees de Constantinople. C'est la route que suivoient les
Romains quand ils alloient porter la guerre en Orient. Ces contrees sont
fertiles; mais le pays est habite de gens non obeissans a l'eglise de Rome.
Et quant est de leur vaillance et hardiesse a resister, je n'en fais nulle
mention, neant plus que de femmes.
Le second est par la Pouille. On s'embarqueroit a Brandis (Brindes), pour
debarquer a Duras (Durazzo) qui est a monseigneur le prince de Tarente.
Puis on avanceroit par l'Albanie, par Blaque et Thessalonique.
La troisieme traverse egalement la Pouille: mais il passe par Ydronte
(Otrante), Curpho (Corfou) qui est a mondit seigneur de Tarente, Desponte,
Blaque, Thessalonique. C'est celui qu'a la premiere croisade prirent
Robert, comte de Flandre; Robert, duc de Normandie; Hugues, frere du roi
Philippe I'er, et Tancrede, prince de Tarente.
Apres avoir parle du passage par mer et du passage compose de terre et de
mer, Brochard examine celui qui auroit lieu entierement par terre.
Ce dernier traverse l'Allemagne, la Hongrie et la Bulgarie. Ce fut celui
qu'a la meme premiere expedition suivit une grande partie
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