st celle que j'ai prise, et qui m'a
conduit au pays du karman. Chacune des quatre a une riviere, et les quatre
rivieres se rendent dans ce dernier pays.
Il neigea beaucoup pendant la nuit. Pour garantir mon cheval, je le couvris
avec mon capinat, cette robe de feutre qui me servoit de manteau. Mais moi
j'eus froid, et il me prit une maladie qui est malhonnete (le devoiement):
j'eusse meme ete en danger, sans mon mamelouck, qui me secourut et qui me
fit sortir bien vite de ce lieu.
Nous partimes donc de grand matin tous deux, et entrames dans les hautes
montagnes. Il y a la un chateau nomme Cublech, le plus eleve que je
connoisse. On le voit a une distance de deux journees. Quelquefois
cependant on lui tourne le dos, a cause des detours qu'occasionnent les
montagnes; quelquefois aussi on cesse de le voir, parce qu'il est cache par
des hauteurs: mais on ne peut penetrer au pays du karman qu'en passant au
pied de celle ou il est bati. Le passage est etroit. Il a fallu meme en
quelques parties l'ouvrir au ciseau; mais par-tout il est domine par le
Cublech. Ce chateau, le dernier [Footnote: Ce mot dernier signifie
probablement ici le plus recule, le plus eloigne a la frontiere.] de ceux
qu'ont perdus les Armeniens, appartient aujourd'hui au karman, qui l'a eu
en partage a la mort de Ramedang.
Ces montagnes sont couvertes de neige en tout temps, et il n'y a qu'un
passage pour les chevaux, quoiqu'on y trouve de temps en temps de jolies
petites plaines. Elles sont dangereuses, par les Turcomans qui y sont
repandus; mais pendant les quatre jours de marche que j'y ai faite, je n'y
ai pas vu une seule habitation.
Quand on quitte les montagnes d'Armenie pour entrer dans le pays du karman,
on en trouve d'autres qu'il faut traverser encore. Sur l'une de celles-ci
est une gorge avec un chateau nomme Leve, ou l'on paie au karman un droit
de passage. Ce peage etoit afferme a un Grec, qui, en me voyant, me
reconnut a mes traits pour chretien, et m'arreta. Si j'avois ete oblige de
retourner, j'etois un homme mort, et on me l'a dit depuis: avant d'avoir
fait une demi lieue j'eusse ete egorge; car la caravane etpit encore fort
loin. Heureusement mon mamelouk gagna le Grec, et, moyennant deux ducats
que je lui donnai, il me livra passage.
Plus loin est le chateau d'Asers, et par-de-la le chateau une ville nommee
Araclie (Eregli).
En debouchant des montagnes on entre dans un pays aussi uni que la mer;
cependant on y voit encore ve
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