e, qui jamais ne manque d'assister ceux qui la prient de bon
coeur, je resolus de tenter l'aventure.
Je me tus neanmoins pour le moment sur mon projet, et ne m'en ouvris pas
meme a mes compagnons. D'ailleurs je voulois, avant de l'entreprendre,
faire encore quelques autres pelerinages, et specialement ceux de Nazareth
et du mont Thabor. J'allai donc prevenir de mon dessein Nanchardin, grand
trucheman du soudan a Jerusalem, et il me donna pour mon voyage un
trucheman particulier. Je comptois commerce par celui du Thabor, et deja
tout etoit arrange; mais quand je fus au moment de partir, le gardien chez
qui je logeois m'en detourna, et s'y opposa meme de toutes ses forces. Le
trucheman, de son cote, s'y refusa, et il m'annonca que je ne trouverois
dans les circonstances personne pour m'accompagner, parce qu'il nous
faudroit passer sur le territoire de villes qui etoient en guerre, et que
tout recemment un Venitien et son trucheman y avoient ete assassines.
Je me restreignis done au second pelerinage, et messire Sanson de Lalaing
voulut m'y accompagner, ainsi que Humbert. Nous laissames au mont de Sion
messire Michel de Ligne, qui etoit malade. Son frere Guillaume resta pres
de lui avec an serviteur pour le garder. Nous autres nous partimes le jour
de la mi-aout, et notre intention etoit de nous rendre a Jaffa par Ramle,
et de Jaffa a Nazareth; mais avant de me mettre en route, j'allai au
tombeau de Notre Dame implorer sa protection pour mon grand voyage.
J'entendis aux cordeliers le service divin, et je vis la des gens qui se
disent chretiens, desquels il y en a de bien estranges, selon nostre
maniere.
Le gardien de Jerusalem nous fit l'amitie de nous accompngner jusqu'a
Jaffa, avec un frere cordelier du couvent de Beaune. La ils nous
quitterent, et nous primes une barque de Maures qui nous conduisit au port
d'Acre.
Ce port est beau, profond et bien ferme. La ville elle-meme paroit avoir
ete grande et forte; mais il n'y subsiste plus maintenant que trois cent
maisons situees a l'une de ses extremites, et assez loin de la marine.
Quant a notre pelerinage, nous ne pumes l'accomplir. Des marchands
Venitiens que nous consultames nous en detournerent, et nous primes le
parti d'y renoncer. Il nous apprirent en meme temps qu'on attendoit a Barut
une galere de Narbonne. Mes camarades voulurent en profiter pour retourner
en France, eten consequence nous primes le chemin de cette ville.
Nous vimes en route Sur, ville ferme
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