si en silence, a moins que ce ne soit la nuit,
et que quelqu'un ne veuille chanter une chanson de gestes.[Footnote: On
appeloit en France chansons de gestes celles qui celebroient les gestes et
belles actions des anciens heros.] Au point du jour, deux ou trois d'entre
eux, fort eloignes les uns des autres, crient et se repondent, comme on le
fait sur les mosquees aux heures d'usage. Enfin, peu apres, et avant le
lever du soleil, les gens devots font leurs prieres et ablutions
ordinaires.
Pour ces ablutions, s'ils sont aupres d'un ruisseau, ils descendent de
cheval, se mettent les pieds nus, et se lavant les mains, les pieds, le
visage et tous les conduits du corps. S'ils n'ont pas de ruisseau, ils
passent la main sur ces parties. Le dernier d'entre eux se lave la bouche
et l'ouverture opposee, apres quoi il se tourne vers le midi. Tous alors
levent deux doigts en l'air; ils se prosternent et baisent la terre trois
fois, puis ils se relevent et font leurs prieres. Ces ablutions leur ont
ete ordonnees en lieu de confession. Les gens de distinction, pour n'y
point manquer, portent toujours en voyage des bouteilles de cuir pleines
d'eau: on les attache sous le ventre des chameaux et des chevaux, et
ordinairement elles sont tres-belles.
Ces peuples s'accroupissent, pour uriner, comme les femmes; apres quoi ils
se frottent le canal contre une pierre, contre un mur ou quelque autre
chose. Quant a l'autre besoin, jamais apres l'avoir satisfait ils ne
s'essuient.
Hamos (Hems), bonne ville, bien fermee de murailles avec des fosses glaces
(en glacis), est situee dans une plaine sur une petite riviere. La vient
aboutir la plaine de Noe, qui s'etend, dit-on, jusqu'en Berse. C'est par
elle que deboucha ce Tamerlan qui prit et detruisit tant de villes. A
l'extremite de la ville est un beau chateau, construit sur une hauteur, et
tout en glacis jusqu'au pied du mur.
De Hamos nous vinmes a Hamant (Hama). Le pays est beau; mais je n'y vis que
peu d'habitans, excepte les Arabes qui rebatissoient quelques-uns des
villages detruits. Je trouvai dans Hamant un marchand de Venise nomme
Laurent Souranze. Il m'accueillit, me logea chez lui, et me fit voir la
ville et le chateau. Elle est garnie de bonnes tours, close de fortes et
epaisses murailles, et construite, comme le chateau de Provins, sur une
roche, dans laquelle on a creuse au ciseau des fosses fort profonds. A
l'une des extremites se voit le chateau, beau et fort, tout en glacis
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