e soudan obtint du karman, comme je l'ai dit, qu'il le
lui livreroit; et aujourd'hui il possede toute la Turcomanie jusqu'a Tharse
et meme une journee par-de-la.
Ce jour-la nous logeames de nouveau chez des Turcomans, ou l'on nous
servit, encore du lait; et l'Armenien nous y accompagna. Ce fut la que je
vis faire par des femmes ces pains minces et plats dont j'ai parle. Voici
comment elles s'y prennent. Elles ont une petite table ronde, bien unie, y
jettent un peu de farine qu'elles detrempent avec de l'eau et en font une
pate plus molle que celle du pain. Cette pate, elles la partagent en
plusieurs morceaux ronds, qu'elles aplatissent autant qu'il leur est
possible avec un rouleau en bois, d'un diametre un peu moindre que celui
d'un oeuf, jusqu'a ce qu'ils soient amincis au point que j'ai dit. Pendant
ce temps elles ont une plaque de fer convexe, qui est posee sur un trepied
et echauffee en dessous par un feu doux. Elles y etendent la feuille de
pate et la retournent tout aussitot, de sorte qu'elles ont plus-tot fait
deux de leurs pains qu'un oublieur chez nous n'a fait une oublie.
J'employai deux jours a traverser le pays qui est autour du golfe. Il est
fort beau, et avoit autrefois beaucoup de chateaux qui appartenoient aux
chretiens, et qui maintenant sont detruits. Tel est celui qu'on voit en
avant d'Ayas, vers le levant.
Il n'y a dans la contree que des Turcomans. Ce sont de beaux hommes,
excellens archers et vivant de peu. Leurs habitations sont rondes comme des
pavillons et couvertes de feutre. Ils demeurent toujours en plein champ, et
ont un chef auquel ils obeissent; mais ils changent souvent de place, et
alors ils emportent avec eux leurs maisons. Leur coutume dans ce cas est de
se soumettre au seigneur sur les terres duquel ils s'etablissent, et meme
de le servir de leurs armes s'il a guerre. Mais s'ils quittent ses domaines
et qu'ils passent sur ceux de son ennemi, ils serviront celui-ci a son tour
contre l'autre, et on ne leur en sait pas mauvais gre, parce que telle est
leur coutume et qu'ils sont errans.
Sur ma route je rencontrai un de leurs chefs qui voloit (chassoit au vol)
avec des faucons et prenoit des oies privees. On me dit qu'il pouvoit bien
avoir sous ses ordres dix mille Turcomans. Le pays est favorable pour la
chasse, et coupe par beaucoup de petites rivieres qui descendent des
montagnes et se jettent dans le golfe. On y trouve sur-tout beaucoup de
sangliers.
Vers le milieu du golfe,
|