Aucun d'eux, s'il est connu pour tel, ne l'oseroit, et en consequence notre
moucre, avant d'entrer, nous fit mettre pied a terre, messire Sanson et
moi.
A peine etions nous entres qu'une douzaine de Sarrasins s'approcha pour
nous regarder. Je portois un grand chapeau de feutre, qui n'est point
d'usage dans le pays. Un d'eux vint le frapper par dessous d'un coup de
baton, et il me le jeta par terre. J'avoue que mon premier mouvement fut de
lever le poing sur lui. Mais le moucre, se jetant entre nous deux, me
poussa en arriere, et ce fut pour moi un vrai bonheur; car en un instant
trente ou quarante autres personnes accoururent, et, si j'avois frappe, je
ne sais ce que nous serions devenus.
Je dis ceci pour avertir que les habitans de cette ville sont gens mechants
qui n'entendent pas trop raison, et que par consequent il faut bien se
garder d'avoir querrelle avec eux. Il en est de meme ailleurs. J'ai eprouve
par moi-meme qu'il ne faut vis-a-vis d'eux ni faire le mauvais, ni se
montrer peureux; qu'il ne feut ni paroitre pauvre, parce qu'ils vous
mepriseroient; ni riche, parce qu'ils sont tres avides, ainsi que
l'experimentent tous ceux qui debarquent a Jaffa.
Damas peut bien contenir, m'a-t-on dit, cent mille ames. [Footnote: Il y
dans le texte cent mille hommes. Si, par ce mot hommes, l'auteur entend les
habitans males, alors, pour comprendre les femmes dans la population, il
faudroit compter plus de deux cent mille individus au lieu de cent mille.
S'il entend les personnes en etat de porter les aimes, son etat de
population est trop fort et ne peut etre admis.] La ville est riche,
marchande, et, apres le Caire, la plus considerable de toutes celles que
possede le soudan. Au levant, au septentrion et au midi, elle a une grande
plaine; au ponant, une montagne au pied de laquelle sont batis les
faubourgs. Elle est traversee d'une riviere qui s'y divise en plusieurs
canaux, et fermee dans son enceinte seulement de belles murailles; car les
faubourgs sont plus grands que la ville. Nulle part je n'ai vu d'aussi
grands jardins, de meilleurs fruits, une plus grande abondance d'eau. Cette
abondance est telle qu'il y a peu de maisons, m'a-t-on dit, qui n'aient
leur fontaine.
Le seigneur (le gouverneur) n'a, dons toute la Syrie et l'Egypte, que le
seul soudan qui lui soit superieur en puissance. Mais comme en differens
temps quelques-uns d'eux se sont revoltes, les soudans ont pris des
precautions pour les contenir. Du cote
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