j'avoue que ses representations etoient fondees, et
que de tous les perils dont il me menacoit il n'en est point, excepte celui
de renier, que je n'aie eprouves. II engagea egalement ses camarades a me
parler; mais ils eurent beau faire, je les laissai partir et demeurai.
Apres leur depart je visitai une mosquee qui jadis avoit ete une tres-belle
eglise, batie, disoit-on, par sainte Barbe. On ajoute que quand les
Sarrasins s'en furent empares, et que leurs crieurs voulurent y monter pour
annoncer la priere, selon leur usage, ils furent si battus que depuis ce
jour aucun d'eux n'a ose y retourner.
II y a aussi un autre batiment miraculeux qu'on a change en eglise. C'etoit
auparavant une maison de Juifs. Un jour que ces gens-la avoient trouve une
image de Notre Seigneur, ils se mirent a la lapider, comme leurs peres
jadis l'avoient lapide lui-meme; mais l'image ayant verse du sang, ils
furent tellement effrayes du miracle, qu'ils se sauverent, allerent
s'accuser a l'eveque, et donnerent meme leur maison en reparation du crime.
On en a fait une eglise, qui aujourd'hui est desservie par des cordeliers.
Je logeai chez un marchand Venitien nomme Paul Barberico; et comme je
n'avois nullement renonce a mes deux pelerinages de Nazareth et du Thabor,
malgre les obstacles que j'y avois rencontres et tout ce qu'on m'avoit dit
pour m'en detourner, je le consultai sur ce double voyage. Il me procura un
moucre qui se chargea de me conduire, et qui s'engagea meme pardevant lui a
me mener sain et sauf jusqu'a Damas, et a lui en rapporter un certificat
signe par moi. Cet homme me fit habiller en Sarrasin; car les Francs, pour
leur surete, quand ils voyagent, ont obtenu du soudan de prendre en route
cet habillement.
Je partis donc de Barut avec mon moucre le lendemain du jour ou la galere
avoit mis a la voile, et nous primes le chemin de Saiette, entre la mer et
les montagnes. Souvent ces montagnes s'avancent si pres du rivage qu'on est
oblige de marcher sur la greve, et quelquefois elles en sont eloignees de
trois quarts de lieue.
Apres une heure de marche je trouvai un petit bois de hauts sapins que les
gens du pays conservent bien precieusement. Il est meme severement defendu
d'en abattre aucun; mais j'ignore la raison de ce reglement.
Plus loin etoit une riviere assez profonde. Mon moucre me dit que c'etoit
celle qui vient de la vallee de Noe, mais qu'elle n'est pas bonne a boire.
Elle a un pont de pierre, pres duquel se tr
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