joignoit, autant qu'il seroit possible, le texte original avec la
traduction. Mais cette traduction, il faudrait qu'elle fut
tres-scrupuleusement fidele. Il faudroit avant tout s'y interdire tout
retranchement, ou au moins en prevenir et y presenter en extrait ce qu'on
croiroit indispensable de retrancher. Ce n'est point l'agrement que
s'attend de trouver dans de pareils ouvrages celui qui entreprend la
lecture; c'est l'instruction. Des le moment ou vous les denaturerez, ou
vous voudrez leur donner une tournure moderne et etre lu des jeunes gens et
des femmes, tout est manque. Avez-vous des voyages, quels qu'ils soient, de
tel ou tel siecle? Voila ce que je vous demande, et ce que vous devez me
faire connoitre.
Si parmi ceux de nos gens de lettres qui avec des connoissances en histoire
et en geographie reunissent du courage et le talent des recherches, il s'en
trouvoit quelqu'un que ce travail n'effrayat pas, je la previens que, pour
ce qui concerne le Speculum historiale, il en existe a la Bibliotheque
nationale quatre exemplaires manuscrits, sous les numeros 4898, 4900, 490l,
et 4902.
Les deux Voyageurs du quatorzieme siecle qui ont publie des relations ne
sont point nes Francais; mais tous deux ecrivirent primitivement dans notre
langue: ils nous appartiennent a titre d'auteurs, et sous ce rapport je
dois en parler. L'un est Hayton l'Armenien; l'autre, l'Anglais Mandeville.
Hayton, roi d'Armenie; avoit ete depouille de ses etats par les Sarrasins.
Il imagina d'aller solliciter les secours des Tartares, qui en effet
prirent les armes pour lui et le retablirent. Ses negociations et son
voyage lui parurent meriter d'etre transmis a la posterite, et il dressa
des memoires qu'en mourant il laissa entre les mains d'Hayton son neveu,
seigneur de Courchi.
Celui-ci, apres avoir pris une part tres-active tant aux affaires d'Armenie
qu'aux guerres qu'elle eut a soutenir encore, vint se faire Premontre en
Cypre, ou il apprit la langue Francaise, qui portee la par les Lusignans, y
etoit devenue la langue de la cour et celle de tout ce qui n'etoit pas
peuple.
De Cypre, le moine Hayton ayant passe a Poitiers, voulut y faire connoitre
les memoires de son oncle, ainsi que les evenemens dans lesquels lui-meme
avoit ete, ou acteur, ou temoin. Il intitula ce travail Histoire d'Orient,
et en confia la publication a un autre moine nomme de Faucon, auquel il le
dicta de memoire en Francais. L'ouvrage eut un tel succes que, pour e
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