fois, la bete le laissa approcher et,
quand elle le jugea a la distance qui lui convenait, elle bondit de son
cote.
Maintenant, ecoutez ceci: au moment d'atteindre le taureau, l'homme
faisait obliquer son cheval a gauche, de telle sorte que la lance portat
sur le cote droit. Deux fois de suite. Barba Roja avait execute cette
manoeuvre. Deux fois le taureau avait donne dans le piege et avait passe
par le chemin que l'homme lui indiquait.
Or, le taureau avait appris la manoeuvre.
Deux lecons successives lui avaient suffi. Maintenant, on ne pouvait
plus la lui faire.
Donc, le taureau fonca droit devant lui comme il avait toujours fait.
Seulement, a l'instant precis ou le cavalier changeait la direction de
son cheval, le taureau changea de direction aussi et, brusquement, il
tourna a droite.
Le resultat de cette manoeuvre imprevue de la bete fut epouvantable.
Le cheval vint donner du poitrail en plein dans les cornes. Il fut
souleve, enleve, projete avec une violence, une force irresistibles.
Le cavalier, qui s'arc-boutait sur les etriers, portant tout le poids du
corps en avant pour donner plus de force au coup qu'il voulait porter,
le cavalier, frappant dans le vide, perdit l'equilibre, la violence
du choc l'arracha de la selle et, passant par-dessus l'encolure de sa
monture, passant par-dessus le taureau lui-meme, alla s'aplatir sur
le sable de la piste, proche de la barriere, ou il demeura immobile,
evanoui.
Une immense clameur jaillit des milliers de poitrines des spectateurs
haletants.
Cependant, le taureau s'acharnait sur le cheval. Les aides de Barba
Roja se partageaient la besogne, et, tandis que les uns s'elancaient
au secours du maitre, les autres s'efforcaient de detourner de lui
l'attention de la bete ivre de fureur, rendue plus furieuse encore par
la vue du sang repandu. Car le cheval, malgre le caparacon de fer,
frappe au ventre, perdait ses entrailles par une plaie large, beante.
Relever un homme du poids de Barba Roja n'etait pas besogne si facile,
d'autant que le poids du colosse s'augmentait de celui de l'armure.
Il fallut donc renoncer a le relever et s'occuper incontinent de
le transporter hors de la piste. La barriere n'etait pas loin,
heureusement, et les quatre hommes qui le secouraient, bien que troubles
par les evolutions du taureau, seraient parvenus a le faire passer de
l'autre cote de l'abri, si le taureau n'avait eu une idee bien arretee
et n'eut poursuivi l'execution d
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