le familier comprit et, cynique et satisfait, il commanda:
--En route, vous autres!
Il se placa, avec son precieux fardeau, au centre du peloton, qui
s'ebranla et partit a toute bride.
XII
L'EPEE DE PARDAILLAN
Nous avons raconte, en temps et lieu, comment Bussi-Leclerc avait
echoue dans sa tentative d'assassinat sur la personne du chevalier de
Pardaillan. Nous avons explique a la suite de quels combats et quels
dechirements interieurs Bussi, qui etait brave; s'etait abaisse a cette
besogne que lui-meme, dans sa conscience, stigmatisait avec une violence
de langage qu'il n'eut, certes, pas toleree chez un autre.
Apres avoir vainement essaye de reprendre sa revanche en desarmant a son
tour celui pour qui il sentait la haine gronder en lui, il en etait venu
a se dire que sa mort, a lui Bussi, ou celle de son ennemi, pouvait
seule laver son deshonneur. Et, par une subtilite au moins bizarre, ne
pouvant l'atteindre en combat loyal, il s'etait resigne a l'assassinat.
On a vu comment l'aventure s'etait terminee.
Toute la nuit, cette nuit que Pardaillan passait dans les souterrains
de la maison des Cypres, toute cette nuit Bussi la passa a tourner et
retourner comme un ours dans sa chambre, a ressasser sans treve son
humiliante aventure, a se gratifier soi-meme des injures les plus
violentes et les plus variees.
Lorsque le jour se leva, il avait enfin pris une resolution qu'il
traduisit a haute voix en grognant d'une voix qui n'avait plus rien
d'humain:
"Par le ventre de ma mere! puisque le maudit Pardaillan, protege
par tous les suppots d'enfer, d'ou il est certainement issu, est
insaisissable et invincible, puisque moi, Bussi-Leclerc, je suis et
resterai, tant qu'il vivra, deshonore, a telle enseigne que je n'aurais
pas le front de me montrer dans la rue, puisqu'il en est ainsi et non
autrement et que je n'y puis rien, il ne me reste plus qu'un moyen de
laver mon honneur: c'est de mourir moi-meme. Et, puisque l'infernal
Pardaillan me fait grace, comme il dit, je n'ai plus qu'a me tuer!"
Ayant pris cette supreme resolution, il retrouva tout son calme et son
sang-froid. Il trempa son front brulant dans l'eau fraiche, et, tres
resolu, tres maitre de lui, il se mit a ecrire une sorte de testament
dans lequel, apres avoir dispose de ses biens en faveur de quelques
amis, il expliquait son suicide de la maniere qui lui parut la plus
propre a rehabiliter sa memoire.
La redaction de ce factum l'amena san
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