t-Dieu! murmura Pardaillan, il est fort heureux pour moi que les
yeux de ce Leclerc ne soient pas des pistolets; sans quoi, pauvre de
moi! je tomberais foudroye."
Mais les evenements les plus futiles en apparence avaient toujours, aux
yeux de Pardaillan, une signification dont il s'efforcait de degager la
cause seance tenante.
"Au fait, se dit-il, pourquoi Bussi-Leclerc a-t-il quitte la fenetre ou
il se prelassait pour venir ici? Ce n'est pas, je pense, dans l'unique
intention de me contempler. Viendrait-il me demander cette revanche
apres laquelle il court infructueusement depuis si longtemps?
Ayant ainsi monologue, de ce coup d'oeil sur et prompt qui n'etait qu'a,
lui, il scruta le visage de Bussi-Leclerc, et du spadassin Son coup
d'oeil rejaillit sur ceux qui l'entouraient et alors il tressaillit.
"Je me disais aussi, murmura-t-il avec un sourire narquois, ce brave
Bussi-Leclerc vient a la tete d'une compagnie d'hommes d'armes... C'est
ce qui lui donne cette assurance imprevue."
Presque aussitot, il eut un leger froncement de sourcils et il ajouta en
lui-meme:
"Comment Bussi-Leclerc se trouve-t-il a la tete d'une compagnie de
soldats espagnols? Est-ce que, par hasard, il viendrait m'arreter?"
En meme temps, d'un geste machinal, il assurait son ceinturon, degageait
sa rapiere, se tenait pret a tout evenement.
Comme on le voit, il avait ete long a s'apercevoir qu'il etait en cause
autant et plus que le Torero. Maintenant, son esprit travaillait et il
s'attendait a tout.
A cet instant, un tonnerre de vivats et d'acclamations eclata, saluant
la victoire du Torero.
Le taureau venait en effet de se laisser leurrer une derniere fois
par la cape prestigieuse, et, croyant atteindre celui qui, depuis
si longtemps, se jouait de lui avec une audace rare, il etait alle
s'enfermer lui-meme dans le box amenage a cet effet, et la porte, se
refermant derriere lui, lui interdisait de revenir dans la piste.
Le Torero se tourna vers la foule qui le saluait d'acclamations
delirantes, la salua de son epee et se dirigea vers l'endroit ou il
avait, des le debut de la course, apercu la Giralda, avec l'intention de
lui faire publiquement hommage de son trophee.
Au meme instant, la barriere, pres de Pardaillan, tombait sous une
poussee violente et les cinquante et quelques gentilshommes et faux
ouvriers, qui n'attendaient que cet instant, envahirent la piste,
entourerent de toutes parts le Torero, comme s'ils etaient
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