la plazza, semblant guetter Pardaillan, a la tete d'une compagnie de
soldats espagnols.
Lorsque la barriere tomba sous la poussee des hommes a la solde de
Fausta, Pardaillan, sans hate inutile, puisque le danger ne lui
paraissait pas immediat, se disposa a les suivre, tout en surveillant
l'ancien maitre d'armes du coin de l'oeil.
Bussi-Leclerc, voyant que Pardaillan se disposait a entrer dans la
piste, fit rapidement quelques pas a sa rencontre, dans l'intention
manifeste de lui barrer la route.
Il faut dire qu'il etait suivi pas a pas par les soldats qui semblaient
se guider sur lui, comme s'il eut ete reellement leur chef.
En toute autre circonstance et en presence de tout autre, Pardaillan eut
probablement continue son chemin sans hesitation, d'autant plus que
les forces qui se presentaient a lui etaient assez considerables pour
conseiller la prudence, meme a Pardaillan.
Mais, en l'occurrence, il se trouvait en presence d'un ennemi a qui il
avait inflige plusieurs defaites, qu'il savait etre tres douloureuses
pour l'amour-propre du bretteur repute.
Dans sa logique toute speciale, Pardaillan estimait que cet ennemi
avait, jusqu'a un certain point, le droit de chercher a prendre sa
revanche et que lui, Pardaillan, n'avait pas le droit de lui refuser
cette satisfaction.
Or, cet ennemi paraissait vouloir user de son droit puisqu'il lui criait
d'un ton provocant:
--He! monsieur de Pardaillan, ne courez pas si fort. J'ai deux mots a
vous dire.
Cela seul eut suffi a immobiliser le chevalier.
Mais il y avait une autre consideration qui avait a elle seule plus
d'importance encore que tout le reste: c'est que Bussi, manifestement
anime de mauvaises intentions, se presentait a la tete d'une troupe
d'une centaine de soldats. Se derober dans de telles conditions lui
apparaissait comme une fuite honteuse, comme une lachete--le mot etait
dans son esprit--dont il etait incapable.
Ajoutons que, si bas que fut tombe Bussi-Leclerc dans l'esprit de
Pardaillan, a la suite de son attentat de l'avant-veille, il avait la
naivete de le croire incapable d'une felonie.
Toutes ces raisons reunies firent qu'au lieu de suivre les defenseurs
du Torero il s'immobilisa aussitot, et, glacial, herisse, d'autant plus
furieux que, du coin de l'oeil, il remarquait qu'une autre compagnie,
surgie soudain du couloir, se rangeait en ligne de bataille, de l'autre
cote de la barriere. Par cette manoeuvre imprevue, il se trouvait pri
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