tre qu'un proces politique, et le moment n'etait pas
venu de leur en intenter un pareil. Ils furent donc elargis[12], a la
grande joie des cordeliers et de tous les _epauletiers_ de l'armee
revolutionnaire.
Vincent etait un jeune homme de vingt et quelques annees, espece de
frenetique dont le fanatisme allait jusqu'a la maladie, et chez lequel il y
avait encore plus d'alienation d'esprit que d'ambition personnelle. Un jour
que sa femme, qui allait le voir dans sa prison, lui rapportait ce qui se
passait, indigne du recit qu'elle lui fit, il s'elanca sur un morceau de
viande crue, et dit en le devorant: "Je voudrais devorer ainsi tous ces
scelerats." Ronsin, tour a tour mediocre pamphletaire, fournisseur,
general, joignait a beaucoup d'intelligence un courage remarquable et une
grande activite. Naturellement exagere, mais ambitieux, il etait le plus
distingue de ces aventuriers qui s'etait offerts a etre les instrumens du
gouvernement nouveau. Chef de l'armee revolutionnaire, il songeait a tirer
parti de sa position, soit pour lui, soit pour ses amis, soit pour le
triomphe de son systeme. Dans la prison du Luxembourg, Vincent et lui,
enfermes ensemble, avaient toujours parle en maitres; ils n'avaient cesse
de dire qu'ils triompheraient de l'intrigue, qu'ils sortiraient par le
secours de leurs partisans, qu'ils reviendraient alors pour elargir les
patriotes enfermes, et envoyer tous les autres prisonniers a la guillotine.
Ils avaient fait le tourment des malheureux detenus avec eux, et les
laisserent pleins d'effroi.
A peine sortis, ils dirent hautement qu'ils se vengeraient, et que bientot
ils sauraient se faire raison de leurs ennemis. Le comite de salut public
ne pouvait guere se dispenser de les elargir; mais il ne tarda pas a
s'apercevoir qu'il avait dechaine des furieux, et qu'il faudrait bientot
les reduire a l'impossibilite de nuire. Il restait a Paris quatre mille
hommes de l'armee revolutionnaire. La, se trouvaient des aventuriers, des
voleurs, des septembriseurs, qui prenaient le masque du patriotisme, et qui
aimaient mieux butiner a l'interieur que d'aller sur les frontieres mener
une vie pauvre, dure et perilleuse. Ces petits tyrans, avec leurs
moustaches et leurs grands sabres, exercaient dans tous les lieux publics
le plus dur despotisme. Ayant de l'artillerie, des munitions et un chef
entreprenant, ils pouvaient devenir dangereux. A eux se joignaient les
brouillons, qui remplissaient les bureaux de Vince
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