anger des fautes en trahison, il lut son pamphlet avec
empressement, admira son courage, et, dans sa naivete, il disait a tout le
monde: "Avez-vous lu Philippeau?... Lisez Philippeau...." Tout le monde,
suivant lui, devait lire cet ecrit, qui prouvait les dangers qu'avait
courus la republique, par la faute des exageres revolutionnaires.
Camille aimait beaucoup Danton, et en etait aime. Tous deux pensaient que
la republique etant sauvee par ses dernieres victoires, il etait temps de
mettre fin a des cruautes desormais inutiles; que ces cruautes prolongees
plus long-temps ne seraient propres qu'a compromettre la revolution, et que
l'etranger pouvait seul en desirer et en inspirer la continuation. Camille
imagina d'ecrire un nouveau journal qu'il intitula _le Vieux Cordelier_,
car Danton et lui etaient les doyens de ce club celebre. Il dirigea sa
feuille contre tous les revolutionnaires nouveaux, qui voulaient renverser
et depasser les revolutionnaires les plus anciens et les plus eprouves.
Jamais cet ecrivain, le plus remarquable de la revolution, et l'un des plus
naifs et des plus spirituels de notre langue, n'avait deploye autant de
grace, d'originalite et meme d'eloquence. Il commencait ainsi son premier
numero (15 frimaire): "O Pitt! je rends hommage a ton genie! Quels nouveaux
debarques de France en Angleterre t'ont donne de si bons conseils et des
moyens si surs de perdre ma patrie? Tu as vu que tu echouerais
eternellement contre elle, si tu ne t'attachais a perdre dans l'opinion
publique ceux qui, depuis cinq ans, ont dejoue tous tes projets. Tu as
compris que ce sont ceux qui t'ont toujours vaincu qu'il fallait vaincre;
qu'il fallait faire accuser de corruption precisement ceux que tu n'avais
pu corrompre, et d'attiedissement ceux que tu n'avais pu attiedir. J'ai
ouvert les yeux, ajoutait Desmoulins, j'ai vu le nombre de nos ennemis:
leur multitude m'arrache de l'hotel des Invalides, et me ramene au combat.
Il faut ecrire, il faut quitter le crayon lent de l'histoire de la
revolution, que je tracais au coin du feu, pour reprendre la plume rapide
et haletante du journaliste, et suivre, a bride abattue, le torrent
revolutionnaire. Depute consultant que personne ne consultait plus depuis
le 3 juin, je sors de mon cabinet et de ma chaise a bras, ou j'ai eu tout
le loisir de suivre, par le menu le nouveau systeme de nos ennemis."
Camille elevait Robespierre jusqu'aux cieux, pour sa conduite aux Jacobins,
pour les serv
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