un grand respect pour Pache et pour ses vertus, comme
avaient fait jadis les jacobins, quand Pache etait au ministere. Le sort de
Pache etait de charmer par sa complaisance et par sa douceur tous les
hommes violens. Ils etaient enchantes de voir leurs passions approuvees
par un homme qui avait toutes les apparences de la sagesse. Les nouveaux
revolutionnaires en voulaient faire, disaient-ils, un grand personnage dans
leur gouvernement; car, sans avoir un but precis, sans avoir meme encore le
projet et le courage d'une insurrection, ils parlaient beaucoup, a
l'exemple de tous les comploteurs qui commencent par s'essayer et
s'echauffer en paroles. Ils disaient partout qu'il fallait d'autres
institutions. Tout ce qui leur plaisait dans l'organisation actuelle du
gouvernement, c'etaient le tribunal et l'armee revolutionnaires. Ils
imaginaient donc une constitution consistant en un tribunal supreme preside
par un grand-juge, et un conseil militaire dirige par un generalissime.
Dans ce gouvernement on devait juger et administrer militairement. Le
generalissime et le grand-juge etaient les deux principaux personnages. Il
devait y avoir aupres du tribunal un grand-accusateur sous le titre de
censeur, qui serait charge de provoquer les poursuites. Ainsi dans ce
projet, forme dans un moment de fermentation revolutionnaire, les deux
fonctions essentielles, uniques, consistaient a condamner et a se battre.
On ne sait si ce projet etait celui d'un reveur en delire, ou de plusieurs
d'entre eux; s'il n'avait d'autre existence que des propos, ou s'il fut
redige; mais il est certain qu'il avait son modele dans les commissions
revolutionnaires etablies a Lyon, Marseille, Toulon, Bordeaux, Nantes, et
que l'imagination pleine de ce qu'ils avaient fait dans ces grandes cites,
ces terribles executeurs voulaient gouverner sur le meme plan la France
tout entiere, et faire de la violence d'un jour le type d'un gouvernement
permanent. Ils ne designaient encore qu'un seul des grands personnages
destines a occuper ces hautes dignites. Pache convenait a merveille a la
place de grand-juge; les conjures disaient donc qu'il devait l'etre, et
qu'il le serait. Sans savoir ce que c'etait que ce projet et cette dignite
de grand-juge, beaucoup de gens repetaient comme une nouvelle: Pache doit
etre fait grand-juge. Ce bruit circulait sans etre ni explique ni compris.
Quant a la dignite de generalissime, Ronsin, quoique general de l'armee
revolutionnaire, n'osa
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