fference et de l'oubli. Mais bientot l'ennui
me faisait regretter les agitations et les nobles souffrances de la
passion. Je jetais mes regards autour de moi pour chercher un autre
amour; mais l'indolence de mon esprit et l'activite de mon caractere
m'eloignaient egalement des autres femmes. Mon caractere me portait a
leur preferer la chasse, la peche, tous ces plaisirs energiques de la
campagne que Sylvia partageait avec moi. Mon esprit s'effrayait de
recommencer un apprentissage et de tenter une nouvelle conquete. Et puis
quelle femme peut etre comparee a Sylvia pour la beaute, l'intelligence,
la sensibilite et la noblesse du coeur? Oui, quand je l'ai perdue, je
lui rends justice, je m'etonne et m'indigne d'avoir pu soupconner une
femme si grande, et dont la conduite hautaine me prouve a quel point
elle etait incapable de descendre au mensonge. Mais quand je la
retrouve, je souffre de son caractere raide et inflexible, de son humeur
violente, de son mysticisme intolerant et de ses exigences bizarres.
Elle ne se plie a aucune de mes imperfections; elle ne pardonne a aucun
de mes defauts; elle tire argument de tout pour me demontrer a quel
point son ame est superieure a la mienne, et rien n'est plus funeste a
l'amour que cet examen mutuel de deux coeurs jaloux et orgueilleux de se
surpasser. Le mien se lassait bien vite de cette lutte; j'aurais mieux
aime un amour moins difficile et moins sublime. Sylvia m'accablait de
son dedain, et quelquefois me prouvait la pauvrete de mon coeur avec
tant de chaleur et d'eloquence, que je me persuadais n'etre pas ne pour
l'amour et que je n'oserais me persuader encore que je suis digne de le
connaitre. Mais, s'il en est ainsi, pourquoi suis-je ne, et a quoi
Dieu me destine-t-il en ce monde? Je ne vois pas vers quoi ma vocation
m'attire. Je n'ai aucune passion violente, je ne suis ni joueur, ni
libertin, ni poete; j'aime les arts, et je m'y entends assez pour y
trouver un delassement et une distraction; mais je n'en saurais faire
une occupation predominante. Le monde m'ennuie en peu de temps; je sens
le besoin d'y avoir un but, et nul autre but ne m'y semble desirable que
d'aimer et d'etre aime. Peut-etre serais-je plus heureux et plus sage si
j'avais une profession; mais ma modeste fortune, qu'aucun desordre n'a
entamee, m'a laisse la liberte de m'abandonner a cette vie oisive et
facile a laquelle je me suis habitue. M'astreindre aujourd'hui a un
travail quelconque me serait odieux. J'
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