u firmament avec
des chaines invisibles; il s'emerveillait, en silence, de la hauteur
des grosses tours, de la legerete des tourelles nommees _fillettes_,
de l'eclat des vitraux, de la multitude des ornements de sculpture. Il
interrogeait les pretres, les sacristains, les ouvriers, les sonneurs,
pour s'instruire sur tous les points de l'histoire du monument, fonde,
au commencement du XIIe siecle, par une pieuse duchesse de Normandie
nommee Gonor, et termine vingt ans apres par l'eveque Geoffroi,
chancelier de Guillaume le Conquerant; il ecoutait surtout avec une
admiration beante les legendes et les miracles des premiers eveques de
Coutances, depuis saint Ereptiole, qui vivait, vers 470, du temps du roi
des Francs Childeric; mais parfois, au recit des prodiges incroyables
attribues a ces saints personnages, qu'on faisait remonter a des epoques
si reculees, un sourire malicieux d'incredulite errait sur ses levres,
et rayonnait dans ses yeux narquois, quoique sa mere lui eut inspire des
sentiments de piete sincere, des sa plus tendre enfance.
Il connaissait donc toutes les parties de l'exterieur et de l'interieur
de cette eglise dediee a Notre-Dame, et il ne se lassait pas de la
parcourir, de la visiter, en y decouvrant sans cesse de nouveaux sujets
de surprise et d'admiration; soit qu'il examinat les figures grotesques
d'un chapiteau; soit qu'il s'arretat a contempler les vieilles tombes
sur lesquelles dorment des statues de chevaliers armes de toutes pieces,
ayant un chien ou un lion emblematique a leurs pieds; soit qu'il se
glissat, effraye a l'entree des caves sepulcrales; soit qu'il plongeat
un regard indiscret a travers le cristal d'un antique reliquaire. Son
imagination s'echauffait au spectacle de ces antiquites religieuses, et
la tendance innee qu'il avait a tout approfondir et a douter de tout,
ne faisait que s'accuser davantage vis-a-vis des traditions etranges de
moyen age, effacees sur la pierre, mais gravees dans la memoire des bons
vieux paroissiens de la cathedrale. Il hochait la tete, quand on lui
racontait que saint Lo avait ete eveque a douze ans, et que ce saint ne
pouvait dire la messe, sans qu'une colombe de feu voltigeat au-dessus
de sa tete. En un mot, Jean de Launoy joignait a une veritable piete
l'aversion la plus inflexible pour toutes les croyances populaires, qui
n'etaient pas des dogmes fondamentaux de la religion et qui pouvaient
etre combattues par le raisonnement; il jugeait faux tout ce q
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