e Launoy, d'une famille ancienne et noble de
Normandie, avait laissee dans la misere, avec deux enfants en bas age,
un fils et une fille. Cette malheureuse femme etait trop fiere pour
recourir a la pitie de ses parents, qui n'eurent garde de venir
d'eux-memes a son aide, et qui n'auraient pas repondu davantage a son
appel suppliant: elle prefera donc, malgre la condition distinguee
qu'elle tenait de sa naissance comme de son mariage, devoir son
existence et celle de ses enfants, au travail de ses mains, plutot qu'a
des aumones achetees par le mepris et l'humiliation. C'etait de Dieu
seul qu'elle esperait tot ou tard la recompense de son courage et de sa
vertu.
Tous les soirs, apres les occupations d'une journee laborieuse, elle se
rendait, accompagnee de ses deux enfants, a la cathedrale de Coutances,
afin d'y faire une priere devant l'autel de la Vierge; et cette oraison,
prononcee d'une voie emue, avec des larmes et des elans de devotion,
lui redonnait du coeur pour supporter les epreuves du lendemain, qui
n'apportait pas toujours le strict necessaire dans sa triste demeure.
Souvent elle avait manque de pain; mais sa confiance en la misericorde
de Dieu ne diminuait pas, et elle redoublait de zele, au contraire,
dans l'accomplissement du pieux devoir qu'elle s'etait prescrit. La
Providence, cependant, la favorisait assez pour l'empecher de mourir de
faim.
[Illustration: Accompagnee de ses deux enfants, elle se rendait a la
cathedrale.]
Le plus grand chagrin de cette infortunee etait de ne pouvoir donner
a son fils une education digne du nom qu'il portait, et surtout de
l'intelligence naturelle que cet enfant avait montree de bonne heure;
car le petit Jean, des sa huitieme annee, avait manifeste une envie
extraordinaire d'apprendre, et comme ces heureuses dispositions ne
furent ni encouragees ni conduites vers un but special d'enseignement,
il se mit a etudier par ses yeux, ce qu'il voyait chaque jour et ce qui
avait attire son attention; c'est ainsi que la cathedrale de Coutances
devint, pour lui, en quelque sorte, un livre ouvert, dans lequel il
s'amusait a dechiffrer une langue inconnue.
Il errait sans cesse, autour de ce magnifique edifice, qui est le
triomphe de l'art gothique, et qui n'a pas son pareil, non seulement
en Normandie, mais encore dans l'Europe; il admirait d'instinct les
proportions gigantesques de cette architecture aerienne, qui semble
suspendue par la main des anges et scellee a la voute d
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