tion miraculeuse de son fils, eprouva dans tout son etre une
telle commotion, une telle secousse morale, que la crise physique, dont
Jules de Guersens avait prevu le resultat, se produisit tout a coup:
elle recouvra la vue aussi spontanement qu'elle l'avait perdue onze ans
auparavant; ses yeux fermes se rouvrirent, en se ranimant, et elle put
s'assurer que son fils etait la, devant elle, dans les bras de sa fille.
Elle poussa un cri terrible et tomba evanouie, les mains jointes dans
l'elan d'une priere mentale, qui avait un echo dans le coeur de toutes
les meres.
Son fils retrouve, Madeleine Neveu rendit mieux justice a son mari
defunt, dont elle honora la memoire, en reprenant son nom de Desroches,
sous lequel elle se fit connaitre desormais comme une des femmes les
plus brillantes et les plus aimables de son temps. Sa maison devint le
centre des reunions de tous les poetes et de tous les gens d'esprit qui
passaient par Poitiers ou qui souvent y venaient expres pour la voir.
Elle ne desavoua plus les jolis vers qu'elle avait faits dans sa
jeunesse. Quant a Catherine, elle n'epousa pas Jules de Guersens, en
haine ou en crainte du mariage, mais elle demeura la plus fidele amie de
son maitre et de son admirateur, qui l'avait surnommee la _Pallas de la
France_ et qui lui dedia la tragedie de _Panthee_, en declarant qu'il
n'avait fait que s'inspirer du genie poetique de son eleve. La belle et
incomparable Mademoiselle Desroches lui offrit en echange la dedicace de
sa tragi-comedie biblique de _Tobie_, qu'elle fit representer, sous les
yeux de sa mere, dans l'amphitheatre romain de Poitiers. Son jeune frere
Jacques avait voulu prendre part a cette memorable representation, ou il
joua de la maniere la plus touchante le role de Tobie. Ce fut Jules de
Guersens qui se chargea de faire imprimer a Paris, chez Abel l'Angelier,
les oeuvres de la mere et de la fille, en tete desquelles Mademoiselle
Desroches s'adressait a ses vers, dans un sonnet preliminaire, ou elle
leur disait avec un gracieux enjouement:
Ou voudriez-vous aller? He! mes petits enfants,
Vous etes habilles d'une trop faible ecorce!
Les premiers poetes et les meilleurs ecrivains contemporains n'en
deposerent pas moins leurs hommages admiratifs aux pieds de la sage et
docte Muse de la ville de Poitiers.
LES PREMIERES ARMES
DE JEAN DE LAUNOY
(1613)
Au commencement du XVIIe siecle, vivait a Coutances une pauvre veuve,
que son mari, le sieur d
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