s etaient en realite, malgre des dehors respectueux, les rivales
et les persecutrices. On entendit plus d'une fois la malheureuse reine
s'ecrier a propos de Mlle de La Valliere:
"Cette fille-la me fera mourir!"
En meme temps elle avait, si l'on en croit Mme de Caylus[1], une telle
crainte du roi et une si grande timidite naturelle, qu'elle n'osait lui
parler ni s'exposer en tete-a-tete avec lui. "J'ai oui dire a Mme de
Maintenon, ajoute Mme de Caylus, qu'un jour le roi ayant envoye chercher
la reine, la reine, pour ne pas paraitre seule en sa presence, voulut
qu'elle la suivit; mais elle ne fit que la conduire jusqu'a la porte de
la chambre, ou elle prit la liberte de la pousser jusqu'a la faire entrer
et remarqua un si grand tremblement dans toute sa personne, que ses mains
memes tremblerent de frayeur."
[Note 1: Mme de Caylus, _Memoires_.]
D'autre part, la princesse Palatine ecrit: "Elle avait une telle affection
pour le roi, qu'elle cherchait a lire dans ses yeux tout ce qui pouvait
lui faire plaisir. Pourvu qu'il la regardat avec amitie, elle etait
heureuse tout la journee[1]." Elle n'agissait, elle ne pensait, elle ne
vivait que par lui et pour lui.
[Note 1: Lettres de la princesse Palatine.]
Louis XIV, qui se sentait a juste titre coupable a l'egard de cette reine
si digne d'affection et de respect, essayait de racheter ses torts par les
egards dont il l'entourait malgre tout. Soit en public, soit en
particulier, il la traitait toujours avec douceur et courtoisie. Enfin, a
partir de 1682, quand, apres tant d'egarements, il se fixa definitivement
a Versailles, la reine n'eut plus qu'a se louer de l'affection qu'il lui
temoignait. Il lui prodiguait, ainsi que le constatent encore les
Souvenirs de Mme de Caylus, des attentions auxquelles elle n'etait pas
accoutumee. Il la voyait plus souvent et cherchait a l'amuser, a la
distraire. Son fils, le dauphin, et sa bru, la dauphine de Baviere,
avaient aussi pour elle une grande deference.
Ses appartements de Versailles, composes de cinq grandes pieces, et
aboutissant, d'une part, a l'escalier de marbre, de l'autre a la galerie
des Glaces, etaient remplis de meubles magnifiques. La reine occupait la
chambre dont nous avons deja parle, et d'ou l'on apercoit l'Orangerie, la
piece d'eau des Suisses et les coteaux de Satory. Elle aimait a quitter ce
splendide sejour pour aller prier dans des couvents ou visiter des
hopitaux. On la voyait servir les malades de ses
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