t tu me ressembles plus que tu ne penses.
Mais tu es une enfant esclave de l'ignorance, et je perdrais mon temps
a te le demontrer.
--Voyons, repris-je, vous paraissez vouloir parler raison pour la
premiere fois. Expliquez-moi vos paroles.
--Je ne puis te parler ici, repondit-elle. J'en ai trop long a te
dire, et, sitot que je m'installe quelque part chez vous, on me balaye
avec mepris; mais, si tu veux savoir qui je suis, appelle-moi par
trois fois cette nuit, aussitot que tu seras endormie.
La-dessus, elle s'eloigna en poussant un grand eclat de rire, et il me
sembla la voir se dissoudre et s'elever en grande trainee d'or, rougi
par le soleil couchant.
Le meme soir, j'etais dans mon lit et je pensais a elle en commencant
a sommeiller.
--J'ai reve tout cela, me disais-je, ou bien cette petite vieille
est une vraie folle. Comment me serait-il possible de l'appeler en
dormant?
Je m'endormis, et tout aussitot je revai que je l'appelais. Je ne
suis meme pas sure de n'avoir pas crie tout haut par trois fois: "Fee
Poussiere! fee Poussiere! fee Poussiere!"
A l'instant meme, je fus transportee dans un immense jardin au
milieu duquel s'elevait un palais enchante, et sur le seuil de cette
merveilleuse demeure, une dame resplendissante de jeunesse et de
beaute m'attendait dans de magnifiques habits de fete.
Je courus a elle et elle m'embrassa en me disant:
--Eh bien, reconnais-tu, a present, la fee Poussiere?
--Non, pas du tout, madame, repondis-je, et je pense que vous vous
moquez de moi.
--Je ne me moque point, reprit-elle; mais, comme tu ne saurais
comprendre mes paroles, je vais te faire assister a un spectacle
qui te paraitra etrange et que je rendrai aussi court que possible.
Suis-moi.
Elle me conduisit dans le plus bel endroit de sa residence. C'etait un
petit lac limpide qui ressemblait a un diamant vert enchasse dans un
anneau de fleurs, et ou se jouaient des poissons de toutes les nuances
de l'orange et de la cornaline, des carpes de Chine couleur d'ambre,
des cygnes blancs et noirs, des sarcelles exotiques vetues de
pierreries, et, au fond de l'eau, des coquillages de nacre et de
pourpre, des salamandres aux vives couleurs et aux panaches denteles,
enfin tout un monde de merveilles vivantes glissant et plongeant sur
un lit de sable argente, ou poussaient des herbes fines, plus fleuries
et plus jolies les unes que les autres. Autour de ce vaste bassin
s'arrondissait sur plusieurs rangs une c
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