reprochais, me
plaisant a lui detailler tout haut, combien elle violait les lois
ordinaires de la nature et de la bienseance.
Amoureuse d'absurde, autant que je le suis, et vaniteuse, elle prenait
un gout tres vif a mes irritations. Nous en plaisantions l'un et
l'autre, mais parfois j'etais presque brutal, et parfois encore j'etais
pres de regretter qu'elle fut un objet irreparablement gate.
Mais sans treve, au fond de moi, quelqu'un riait disant: "Ah!
l'insignifiante parade! Ah! que ces choses me seraient indifferentes,
s'il me plaisait d'en detourner mon regard!"
* * * * *
De telles experiences, menees avec trop de zele, presentent quelque
danger. C'est le jeu un peu febrile du pauvre enfant qui, par un jour de
pluie, assis dans un coin de la chambre, examine son jouet au risque de
le casser,--non loin des grandes personnes qui sont, en toutes
circonstances, un chatiment imminent.
* * * * *
Elle avait de la generosite de coeur, et, malgre sa vanite, un
convenable bohemianisme. Autrement son sourire m'aurait-il arrete? Deux
ou trois fois, dans notre jeu sentimental, nous nous sommes touches a
fond, et soudain presque sinceres, nous cessions notre intrigue pour
vouloir nous aimer bonnement. Nous aurions pu gouter, a l'ecart,
quelques semaines de vrai satisfaction.
Mais quoi! tant de sentiments delicats, que j'ai acquis par de longs
efforts methodiques, des lors me devenaient inutiles! Pouvais-je
accepter de me reduire a la petite sensibilite sensuelle de ma vingtieme
annee! Renier, pour la premiere fois, la journee de Jersey!
* * * * *
Quelque irraisonnable que cela fut, tels etaient ses yeux cercles de
fatigue charmante, quand elle se soulevait d'entre mes bras, que je
cedais a mon gout pour cet objet, plus qu'il n'etait marque dans mon
programme.... Ce genre d'emotions est assez connu pour que je n'en
fournisse pas la description.
* * * * *
Dans ce desarroi de mon systeme, a defaut de ma volonte, quelques gestes
dont j'avais pris l'habitude toute machinale me sauverent. Cela est
louable, mais je ne puis m'en glorifier: en realite j'etais desarme; ses
mains fievreuses avaient force le tabernacle de mon vrai Moi. Tandis
qu'interieurement j'etais profane, je parus encore servir avec orgueil
mon Dieu. Ce fut une supreme journee. Comme moi, elle etait a limite. De
decourageme
|