re et complexe, en lui
faisant pressentir tout ce que le XVIIIe siecle offre d'interet sous le
rapport de l'art, de la philosophie et du merveilleux, trois elements
produits par ce siecle d'une facon tres heterogene en apparence, et dont
le lien etait cependant curieux a etablir sans trop de fantaisie. Siecle
de Marie-Therese et de Frederic II, de Voltaire et de Cagliostro: siecle
etrange qui commence par des chansons, se developpe dans des
conspirations bizarres, et aboutit par des idees profondes a des
revolutions formidables! Je reconnais volontiers, avec Mme Sand, la
grandeur du sujet, et, plus liberal qu'elle envers elle-meme, je
reconnais qu'elle en a tire le plus souvent un grand parti, par
l'interet de l'intrigue, le charme etrange de certaines situations, la
vive peinture des sentiments et des caracteres. Comme on aime cette
Consuelo, intelligence elevee, noble coeur, admirable artiste, dans les
debuts chastement aventureux de sa vie errante a Venise, dans ses
premiers triomphes et ses premieres tristesses, a son arrivee a ce
terrible chateau des Geants par une nuit de tempete, dans toute cette
fantasmagorie des vieilles ruines et des grands souterrains, dans son
amour pour le jeune comte Albert si longtemps combattu par l'effroi,
dans sa fuite, dans sa rencontre a travers champs avec Haydn presque
enfant, dans ce long voyage enfin, le plus ravissant et le plus
fantastique que l'imagination puisse rever!
Et plus tard, quand, aux prises avec des evenements terribles, triste
fiancee de la mort, sous le coup d'un effrayant mystere dont parfois sa
raison se trouble, nous voyons reparaitre Consuelo, vierge et veuve,
comtesse de Rudolstadt, toujours grande et noble artiste, a la cour de
Frederic et dans la dangereuse intimite de la princesse Amelie, que de
scenes pleines d'attrait et de terreur! Sa prison, son enlevement, cette
fuite nouvelle sous la conduite des Invisibles, ces emotions
douloureuses d'une passion enigmatique qui l'attire comme un amour
permis et qui l'effraye comme une sorte d'adultere envers un mort, tout
cela est raconte avec un interet, un entrain incomparables. Mais, pour
Dieu! que le comte Albert ne soit donc pas si fatal, si prolixe et si
nuageux! S'il aime Consuelo, qu'il lui parle de son amour et qu'il ne
lui commente pas sans fin, dans une histoire de fantaisie, les
sanglantes legendes de Jean Ziska et des Hussites! Si sa demence n'etait
pas si pretentieuse, il pourrait nous interesser; s'
|