le comte Albert, soit,
mais Consuelo est la recompense esperee et prevue de ce devouement. Tout
ce qu'il y a d'activite virile ou d'heroisme dans le monde a pour but
l'amour a meriter ou a conquerir. Si l'opinion sociale ou les hasards de
la vie ont creuse un abime entre eux et l'objet aime, les heros de Mme
Sand deploient une force incalculable pour le franchir. Il y a meme la
une idee touchante, que l'auteur a employee plusieurs fois avec un
singulier bonheur. Que d'energie montre ce paysan demi-lettre, Simon,
dans le rude assaut de sa destinee! Pour s'elever jusqu'a Fiamma, il
aura la force de conquerir la fortune, le talent meme. Mauprat, le coeur
pris par l'image d'Edmee, deviendra, avec une resolution et des peines
incroyables, de bandit et de sauvage, honnete homme, heros. Quand il n'y
a pas d'abime a franchir, on se croise les bras et on aime; on ne sait
bien faire que cela dans le petit monde que gouverne l'amoureuse
fantaisie de Mme Sand. Voyez Octave, dans _Jacques_, il ne lui vient pas
a l'idee qu'il puisse y avoir d'autre occupation ou d'autre devoir
ici-bas. Il a aime Sylvia; quand il ne l'aime plus, c'est Fernande
qu'il aime. Son inutilite dans la societe n'est pour lui ni un souci ni
un remords; d'ailleurs il n'y pense pas, et s'il y pense, il n'y croit
pas. Sa fonction sociale est d'aimer; Dieu sait s'il s'en acquitte en
conscience. Benedict, dans _Valentine_, ne s'imagine pas non plus que
son intelligence ou ses bras puissent servir a autre chose. Du jour ou
il a rencontre Valentine, sa vie exterieure s'arrete. Il abdique toute
son activite, tout son avenir; il ne songe pas que l'existence a ses
exigences et ses devoirs. Il vit avec son amour et de son amour, dans
l'immobilite d'une extase orientale, que troublent seulement ses fureurs
et ses desespoirs.--La raison de vivre, c'est l'amour; le droit de vivre
cesse avec lui. Ceux qui persistent a trainer sur la terre l'inutile
fardeau d'une existence sans amour sont des ames faibles qui n'ont pas
su trouver en elles l'energie d'une resolution supreme. Mais croyez bien
que ces volontes inertes, qui n'ont pas l'energie de la mort, n'ont pas
eu celle du veritable amour. Andre, apres la mort de Genevieve, se
promene malade au bras de Joseph Marteau, le long des traines,
lentement, les yeux baisses, comme s'il craignait encore de rencontrer
le regard de son pere. _L'infortune_, nous dit Mme Sand, _n'avait pas eu
la force de mourir_. C'est qu'aussi Andre n'a po
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